On s'y fera

L'ouvrage:
Arezou Sarem est responsable d'une agence immobilière. Elle est secondée dans son travail par son amie, Shirine.
D'autre part, Arezou élève seule Ayeh, sa fille de dix-neuf ans, et s'occupe également de faire les quatre volontés de sa mère.

Ce jour-là, elle fait visiter un énième appartement à un client qu'elle juge difficile. C'est alors qu'un incident survient, et le portable d'Arezou est brisé. Cela sera à l'origine d'un enchaînement de faits qui forcera Arezou à remettre certaines choses en question.

Critique:
La première raison pour laquelle je suis contente d'avoir lu ce roman, c'est qu'il nous plonge au coeur de la culture persane: coutumes, nourriture, etc. Cela me fait prendre conscience du fait qu'il n'existe pas assez d'ouvrages d'autres cultures que la culture anglo-saxone. Est-ce un défaut de ce qui sort en audio (tant au niveau des éditeurs audio que des bibliothèques pour lesquelles lisent des bénévoles)? En tout cas, j'aimerais bien pouvoir lire des ouvrages de divers pays.

D'autre part, Zoyâ Pirzâd sait parfaitement entraîner le lecteur dans son sillage, et lui faire partager la vie, les sentiments de ses personnages. Le personnage d'Arezou est bien sûr le plus complet. Elle est d'abord très courageuse. Elle a osé se débarrasser d'un mariage qui ne lui convenait pas, elle élève seule sa fille, travaille, malgré le mépris de sa mère pour sa vie de femme active. Elle fait tout cela en dépit de la réprobation de sa mère et de certaines couches de la société.
Elle semble porter sa mère à bouts de bras. Celle-ci enchaîne les caprices, et ne perd pas une occasion de montrer à Arezou qu'elle ne l'aime pas vraiment. Arezou ne relève jamais ces preuves de désamour, préférant le non-dit qui maintient un semblant d'équilibre et d'entente entre elle et sa mère, plutôt que de provoquer une dispute irréversible. Pourtant, elle évolue, car à la fin, alors que sa mère déverse sur sa tête un flot d'injustice, de jalousie mal placée, et d'arguments viles, Arezou se révolte, et démontre, par une seule anecdote, percutante et terrifiante, que sa mère a toujours fait peu de cas d'elle. C'est d'ailleurs ce que le lecteur et Arezou constatent tout au long du roman. Il semblerait même que consciemment ou non, la mère d'Arezou monte Ayeh contre elle, prenant, par exemple, toujours le parti de la jeune fille contre Arezou.

Ayeh est plus complexe qu'il n'y paraîtrait. Elle est superficielle par certains côtés: elle voit son père deux fois par an, et jure ses grands dieux qu'elle serait plus heureuse avec lui qu'avec sa mère. En cela, elle semble inconséquente et écervelée.
Lorsque sa mère annonce la nouvelle qui bouleversera tous le monde, Ayeh lui reproche en vrac beaucoup de choses, dont certaines qu'elle ne comprend même pas (on le voit lorsqu'elle ne peut pas terminer son raisonnement), mais doivent lui avoir été serinées par sa grand-mère.
Elle ne comprend pas que sa mère est prisonnière d'une gangue, tente de faire au mieux, et qu'elle a le droit d'être heureuse.
Pourtant, parfois, certaines réflexions, certains raisonnements d'Ayeh sont pertinents. Par exemple, lorsqu'elle essaie de tirer un jeune homme d'un mauvais pas, et qu'Arezou prend cela pour la danse de la femelle en rut. C'est avec ce genre de situations qu'on voit que mère et fille ne se comprennent pas, et que ce n'est pas toujours de la faute de l'une ou de l'autre, même si Ayeh a souvent des remarques et des attitudes de peste.

Le personnage de Shirine aussi semble superficiel. Elle ne peut pas se réjouir sincèrement pour son amie lorsque celle-ci entrevoit la possibilité d'un nouveau bonheur. Elle ne sait que faire des remarques désagréables, appliquant à Arezou sa propre déconvenue, schématisant la situation. Or, elle est incapable ce se réjouir. Sa blessure est trop profonde.

Outre les personnages, je pense que certaines choses, qui chiffonnent mon esprit d'occidentale, font partie de la culture iranienne, par exemple, cette façon que tout le monde a de faire faire toutes les corvées à Naïm. Il est là pour ça, me direz-vous. Oui, mais par exemple, lorsqu'Arezou et Ayeh arrivent chez la mère d'Arezou après avoir fait des courses, Arezou suggère qu'elles pourraient porter leur chargement à l'intérieur. Ayeh et sa grand-mère se récrient, et c'est Naïm qui fait tout le travail. Idem quand Ayeh rentre, fatiguée de l'université, c'est Naïm qui va lui acheter un hamburger. Elle ne pourrait pas y aller elle-même?! Je pense que c'est dans la culture iraniemne, mais aussi que c'est dans le caractère d'Ayeh de se faire servir. Elle semble assez indolente et capricieuse. Je me suis souvent dit qu'Arezou devrait la laisser aller vivre chez son père, comme elle le désire: ainsi, elle cesserait peut-être de l'idolâtrer, et reconnaîtrait ce qu'accomplit sa mère.

Il me semble aussi que l'attitude de la mère d'Arezou, si elle tient à son caractère, et au fait qu'elle n'a jamais vraiment tenu à sa fille, peut représenter des valeurs passées.

La fin me laisse perplexe. Elle laisse entrevoir une évolution de la part d'un personnage. Mais on ne peut pas spéculer sur ce qui va se passer, car on a trop peu d'indices. Elle est tout de même positive, à mon avis, parce que Shirine fait un pas, et la seule chose qu'elle dit, même si c'est une indication ténue, est positive, même si elle prépare un point final.

Éditeur: Zulma.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Marie Lourizi pour la Bibliothèque Sonore Romande.

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