Note préalable: Ce livre sort aujourd'hui.
L'ouvrage:
Marc Deleuze est DRH dans une entreprise. Un jour, le patron lui annonce que son poste est supprimé. Il n'est pas licencié, mais il n'a plus de travail. Alors, tous les matins, il prend le chemin de l'entreprise. Son bureau est vidé, même la porte est arraché. Les employés ont l'ordre de ne pas lui adresser la parole. Malgré les humiliations qui s'accumulent, il résiste.
Critique:
Voilà une critique féroce, un portrait au vitriol de la façon dont marche une entreprise quand elle est gérée par une personne bornée. En effet, ce qui arrive à Marc pourrait arriver n'importe où, et arrive, d'ailleurs. Cela prend des proportions qui peuvent paraître incroyables, mais qui, malheureusement, sont tout ce qu'il y a de plus vraisemblable.
Le sous-titre du livre parle d'une autre forme de résistance. En effet, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec la politique, voire la dictature. Les employés, effrayés par le patron, ou désireux de lui plaire, traitent Marc en pestiféré. La peur ou l'avidité les poussent à ne plus être eux-mêmes, ou du moins, à ne pas agir librement.
Ce court roman expose très bien les relations perverses qui peuvent s'installer. Il suffit qu'une personne possédant un peu de pouvoir pourrisse l'atmosphère, s'embourbant dans des décisions idiotes, et cela a des répercussions sur tous.
On ne peut blâmer les gens qui obéissent aux ordres du patron, et qui, sans le vouloir (pour certains), participent passivement au harcèlement moral subi par Marc. Néanmoins, j'ai trouvé que c'était un peu trop manichéen. Il n'y a qu'une personne qui prend le risque de lui parler. Il aurait peut-être été plus ingénieux de la part de l'auteur d'introduire un peu plus de nuances.
Le personnage de Marc force l'admiration: il se lance vaillamment dans cette guerre des nerfs, cette guerre froide, un combat que l'on pourrait qualifier de celui de David contre Goliath.
Il évoque aussi son passé dans l'entreprise, et son prédécesseur, Henri Lesieur, qui fut, lui aussi, un précurseur de la résistance, excepté que la sienne était plus discrète, moins gênante, et eut lieu alors qu'il était encore employé. Malheureusement, ce qui arrive à ce personnage est également courant.
D'autres personnages sont intéressants: celui qui voit la Maison comme un aboutissement, celui de Bertrand... Ces deux personnages sont assez détestables, pour des raisons différentes, mais très réalistes.
Malgré la tension et la densité du roman, l'auteur glisse quelques notes d'humour, minuscules moments de détente et d'espoir. Marc lui-même a la force d'évoquer sa situation avec humour à plusieurs reprises, par exemple, lorsqu'il explique comment il s'occupe au bureau, et aussi lorsqu'il renforce sa résistance par certains actes: fumer parce que c'est interdit, saluer ostensiblement ceux qu'il rencontre aux toilettes, etc.
D'autre part, l'une de ses conversations avec Edmonde ne manquera pas d'amuser le lecteur: celle où, Marc expliquant qu'il ne fait pas grand-chose mais est toujours payé, Edmonde s'étonne.
Enfin, il y a la manière de résister d'Henri Lesieur, et ce qu'il dit ensuite de ses intestins.
Bien sûr, si ces situations font rire, c'est un rire grave, un peu jaune, on rit parce qu'il vaut mieux en rire que s'en désespérer.
La fin va bien avec le reste du roman. Elle ne gâche rien, ne détonne pas.
Bref, même si on s'attend à certaines situations, surtout quand on est dans la vie active, il est réconfortant de lire un auteur qui met les pieds dans le plat, et expose tout cela sans complaisance.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par mon mari.
Ce livre m'a été offert par les éditions Buchet-Chastel dans le cadre de l'opération Masse-critique, organisée par Babelio.
6 réactions
1 De DF - 08/02/2010, 15:36
Heureux de rencontrer ici quelqu'un qui a aussi planché sur ce petit roman :mdr: ! Salutations donc... mon billet devrait paraître incessamment.
2 De La Livrophile - 08/02/2010, 16:51
Bonjour, ami blogueur qui, si j'ai bien compris, participes à Masse-critique.
N'hésite pas à venir dire ce que tu as pensé du livre.
3 De alexand - 08/02/2010, 19:03
Un roman concis et surprenant pour décrire les dysfonctionnements de la société, en particulier des sociétés. Il faut donc absolument lire cet auteur déjà honoré pour son style épuré et juste à propos d'un précédent roman, chez Pivot notamment. On adore.
4 De DF - 08/02/2010, 22:33
Eh bien... nous y voilà! Mon billet se trouve ici:
http://fattorius.over-blog.com/article-votre-bureau-vous-le-preferez-vide-44554393.html
5 De La Livrophile - 08/02/2010, 22:45
Merci, DF.
Je suis allée lire ta critique. C'est intéressant de lire un autre point de vue: nous n'avons pas donné la même importance aux mêmes choses, il y a certains points avec lesquels je ne suis pas vraiment d'accord, mais au final, nos deux critiques disent que ce roman est à lire.
6 De Eric D - 10/02/2010, 17:48
Dans ce cas de figure, en droit belge, ça s'appelle "Acte équipollent à rupture".
Extrait de UCM.be:
En droit français, c'est sensiblement pareil même si je pense que ça n'a pas un nom particulier.
Par contre, j'ai maintenant bien envie de lire ce livre.