L'hypnotiseur

L'ouvrage:
Stockholm.
Une famille est sauvagement massacrée. Joseph, l'un des enfants, est retrouvé. Ce n'est plus qu'une plaie vivante. L'inspecteur Joona Linna souhaite l'interroger au plus tôt, car il a peut-être vu l'assassin. Celui-ci va peut-être tenter de retrouver la soeur aînée de Joseph, qui n'était pas à la maison. L'enfant restant inconscient, Joona fait appel à Erik Maria Bark, un hypnotiseur. Celui-ci refuse: voilà dix ans, il a juré de ne plus pratiquer l'hypnose. Cependant, il sera obligé d'obtempérer.

Critique:
Voilà un thriller comme je les aime! Il commence avec ce que nous croyons être une enquête banale. Mais le lecteur sera déboussolé tout au long du livre. L'auteur le promènera à sa guise. Il sera impossible de prévoir le prochain événement. Par exemple, nous savons très vite qui est l'assassin de la famille. Cela perturbe le lecteur qui s'attendait à être traîné d'une piste à l'autre. Cette façon de faire m'a fait penser aux meilleurs thrillers de Serge Brussolo. Le début n'est qu'un prétexte pour ouvrir tout un tas de tiroirs, et emporter le lecteur dans un tourbillon d'événements qui le dépassent.

D'autre part, dans tout roman policier, il y a des ficelles plus ou moins grosses, destinées à faire patienter le lecteur ou à l'égarer. Ici, les procédés sont utilisés très subtilement. Par exemple, on nous conduit bien sur une fausse piste, à un moment, mais elle peut s'expliquer. Bien sûr, quand le lecteur connaît la vérité, il se dira qu'il était évident qu'Erik s'est fourvoyé, alors qu'il n'aurait pas dû. Cette ficelle est un peu expliquée par le fait que l'hypnotiseur est soumis à une forte pression, et doit exhumer des souvenirs qu'il s'est efforcé d'enfouir au fond de sa mémoire. Il est tout de même invraisemblable que l'hôpital n'ait pas enquêté sur chaque patient afin de mieux prévoir leurs actes, avant de les accepter dans un groupe expérimental.
Il y a une autre chose que j'ai trouvée un peu grosse sur le moment, mais l'auteur finit par l'expliquer de manière satisfaisante.
Seule, une chose reste floue, mais on peut trouver une explication. En bonne maniaque, j'aurais préféré que l'auteur l'explicite clairement.

Par ailleurs, Lars Kepler explore un thème aussi étrange et mystérieux que l'hypnose. Je ne sais pas si les théories d'Erik ont été émises un jour, ou si le romancier les a inventées, mais tout est très intéressant. On se rend compte qu'on ne connaît pas grand-chose à l'hypnose. En outre, une personne hypnotisée peut-elle garder son libre arbitre? Erik faisait cela pour aider ses patients, mais qu'en serait-il si cette arme était maniée par une personne mal intentionnée? Jusqu'où peut-on violer l'intimité d'une personne grâce à l'hypnose? L'auteur pose toutes ces questions de manière assez délicate.

Lars Kepler laisse entrevoir à son lecteur une espèce de société souterraine, composée d'enfants caïds qui édictent leurs lois aux autres enfants. Et personne ne voit rien... C'est assez effrayant, et malheureusement, cela semble réaliste.

Comme dans certains romans de Lisa Gardner, on s'attache davantage aux personnages qui ne font que passer plutôt qu'à celui de l'inspecteur. (C'est ce qui m'arrive avec DD Warren chez Lisa Gardner.) Si Joona fait bonne impression sur le lecteur, il n'est pas très épais, comparé à Erik et à Simonne.
On peut admirer la pugnacité de Joona, mais elle est la même que celle d'autres policiers rencontrés dans d'autres romans. On peut déplorer le fait qu'il soit complètement pris par son métier, et n'ait pas le temps d'avoir une vie. Mais on retrouve également ce thème dans beaucoup de romans policiers. Le lecteur peut peut-être mieux comprendre cela grâce à l'anecdote ayant trait à l'enfance de Joona.
Il se distingue tout de même par sa propension à avoir toujours raison, et à bien le faire remarquer. ;-)

Erik a un certain charisme. J'ai aimé sa capacité à s'analyser, notamment lorsqu'il se rend compte qu'il a été poussé à une certaine chose par la vanité. Il navigue entre deux eaux: il veut sauver son mariage, mais fait tout pour laisser les malentendus s'installer. Il se sait accro aux analgésiques, mais ne veut pas l'admettre. Et pourtant, lorsqu'une vie est en jeu, il se soumet à un sevrage draconien. Il a une conscience professionnelle, il tente d'oublier sa prétendue erreur, et pourtant, on la retrouve dans tous ses gestes: sa promesse, l'oubli facile procuré par les cachets, etc. Bref, un personnage très intéressant dont il est assez difficile de parler davantage sans évoquer des points clés du roman.

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Thierry Janssen. Ce livre m'a été offert par les éditions Audiolib. Il sort en audio le 20 avril.

Je n'ai pas entendu Thierry Janssen depuis «Sukkwan island». Comme je n'avais pas aimé le roman, je n'avais pas réussi à m'attacher au lecteur, tout en reconnaissant quand même qu'il était talentueux. Dans «L'hypnotiseur», il a eu une plus grande opportunité de montrer ce talent. Outre une voix claire et agréable, une intonation toujours juste, il sait prendre des voix différentes sans que cela fasse surjeu. J'aime bien le type de voix qu'il a pris pour Joona: un peu frêle. J'imagine Joona plutôt petit et fluet. Une voix grave m'aurait paru anachronique.

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