Seul le silence

L'ouvrage:
Augusta Falls, Georgie, 1939.
Joseph Vaughan, onze ans, est un garçon sensible. Son institutrice, Alexandra Weber, l'encourage à développer son goût pour l'écriture. C'est alors que l'horreur survient: le cadavre d'une fillette, Alice, est découvert. Joseph est d'autant plus bouleversé que la ville étant petite, il connaissait l'enfant, il était ami avec elle. Alice ne sera pas la dernière victime.

Critique:
N'ayant pas du tout aimé «Les anonymes», je pensais ne plus lire de livres de R. J. Ellory. Cependant, une amie a tellement aimé «Seul le silence» que j'ai décidé de l'essayer. Bien m'en a pris.

Le premier point fort de ce roman est son personnage principal. Joseph entraîne le lecteur dans sa vie, lui confie ses pensées. Il s'indigne sincèrement des meurtres. Il fait réellement preuve d'empathie. Sa compassion et son dégoût ne sont aucunement frelatés. Chez certains, entre une part de voyeurisme lorsqu'ils se désolent d'un meurtre. Joseph est vrai. Il rappelle à tous (les autres personnages, mais aussi au lecteur) qu'un meurtre, a fortiori d'enfant, c'est l'une des choses les plus ignobles qui soient.
Outre son extrême sensibilité et son talent pour dire les choses, notre héros force l'admiration. Il touche plusieurs fois le fond, et pourtant, il se relève.

D'autres personnages sont admirables par leur douceur, leur abnégation, leur force, leur sagesse, leur amour: Mary, Alexandra, Bridget, Reilly...

L'auteur fait quelque chose qu'en général, je n'aime pas. Le roman s'étale sur plus de trente ans. D'habitude, les romans qui se déroulent ainsi semblent bâclés, car on voit les personnages par tableaux. On n'a que des instants de leurs existences, et ils paraissent superficiels. Ici, il n'en est rien. Le lecteur assiste à la vie du personnage principal. Si les années passent vite, il n'y a pas réellement d'ellipses, et rien n'a l'air bâclé.
Quelque chose m'a quand même gênée dans la structure: le prologue et quelques passages çà et là indiquent comment se termine l'intrigue. C'est un peu dommage.

Ne vous attendez pas à un roman au suspense haletant et aux rebondissements incessants. Cela ne m'a pas gênée parce que je pense que l'étiquette «roman policier» n'est qu'un prétexte à montrer la vie et la psychologie d'un personnage marqué dès son enfance. L'intérêt est de voir évoluer ce protagoniste face à quelqu'un qu'il sait malade, et qui ressemble à un insaisissable fantôme. Joseph l'imagine toujours ayant l'air fou et monstrueux. Et pourtant, il sait que ce n'est pas le cas: il ne peut imaginer que son âme. D'ailleurs, les ficelles policières ne sont pas transcendantes. Elles sont même classiques. Certains lecteurs devineront peut-être qui est le tueur fou. Si cela ne gâche pas le roman, le romancier se rend quand même coupable de quelques lenteurs. L'ennui qu'elle m'ont fait ressentir a été compensé par le style doux et poétique du narrateur (je pense vraiment que R. J. Ellory a adopté un style propre à son personnage), mais elles m'ont quand même un peu dérangée. Heureusement, elles ne sont pas trop nombreuses.
L'écrivain s'attache quand même à détourner quelques ficelles convenues. Par exemple, tous les ingrédients sont réunis pour que le lecteur pense qu'un des personnages sait quelque chose.

Cette intrigue est également un prétexte pour montrer ce dont sont capables des gens qui ont peur. La peur excite les rumeurs, le racisme, la bêtise. Elle est très mauvaise conseillère.

Éditeur: Sonatine.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Jean-Yves Fournier pour l'association Valentin Haüy.
Voilà une autre raison pour laquelle j'ai décidé de tenter ce roman: j'apprécie beaucoup ce lecteur dont la lecture est sensible, mais exempte de cabotinage.

Acheter « Seul le silence » sur Amazon