L'ouvrage:
Philadelphie, 1906. Ce matin-là, en lisant le journal, Alma Mitchell tombe sur un article disant qu'un agent fédéral a été tué, et qu'un indien a été arrêté pour ce meurtre. Le présumé coupable, Alma le connaît: ils étaient camarades de classe et amis dans le pensionnat que son père avait ouvert dans le Wisconsin, vingt-cinq ans plus tôt. Convaincue de l'innocence de son ami, la jeune femme compte faire son possible pour le sauver de la corde.
Critique:
Ce roman m'a plu. Il est dur, mais c'est une dureté nécessaire, afin qu'on n'oublie pas ce dont ont été capables les hommes. Dans une note, l'autrice explique que les personnages sont fictifs, mais que des faits similaires à ceux qu'ils vivent sont arrivés.
Le récit alterne les chapitres contant le présent d'Alma (1906) et ceux narrant son passé (de 1881 à 1891) dans le Wisconsin.
Le père d'Alma m'a rappelé celui de Bethia dans «L'autre rive du monde», de Géraldine Brooks. Celui-ci est plein de bonnes intentions, mais il veut «civiliser» les Indiens. On retrouve cette idée chez le père d'Alma. Il dit vouloir le bien des Indiens, mais il ne cherche pas à imaginer les dommages qu'il cause à d'autres êtres humains, et est à mille lieues de les voir égaux aux blancs. Ce genre d'idées n'a malheureusement pas disparu de notre société. Lorsqu'on entend certaines personnes dire qu'elles veulent être amies avec des homosexuels pour les «ramener dans le droit chemin», c'est exactement le même type de pensées. C'est glaçant car on peut avoir l'impression que les personnes comme le père d'Alma sont tolérantes, alors qu'en réalité, il n'en est rien. Il finit d'ailleurs par le montrer... Alma est une victime collatérale. En effet, si ce qu'elle a subi n'est pas de l'ordre de ce qui a été fait aux Indiens, elle a souffert par plusieurs biais, et l'un d'eux est justement qu'elle est la personne qui a le plus cru en son père. Cependant, elle n'a jamais consciemment réfléchi à ce que cela signifiait vraiment: le vol des terres, de la langue, des coutumes, des croyances. Alma ne peut pas être blâmée comme l'est son père. J'apprécie que l'autrice ait créé un personnage comme elle, un personnage sincère, ne voyant pas le mal que d'autres font soi-disant au nom du bien, n'appréhendant pas l'impact que cela a, dès le départ, sur toutes ces vies. En un sens, c'est la vision d'Alma la plus juste: elle souhaitait que chacun apprenne de l'autre, que chaque culture profite l'une à l'autre, sans que personne n'abandonne rien de son identité, de soi-même.
J'ai eu du mal à accepter la «défense» d'Asku. J'ai compris ses motivations, mais j'aurais préféré qu'il souhaite se battre pour aider ceux de son peuple qui connaîtraient les mêmes souffrances. Bien sûr, c'est mon côté utopiste qui ressort. Objectivement, il aurait été impossible à Asku de faire cela.
J'ai apprécié qu'Amanda Skenandore ne tombe pas dans le cliché qui ferait du mari d'Alma un rustre intolérant, horreur dont Alma s'apercevrait justement à la lumière de ce qui arrive à Asku. Heureusement pour moi, on n'est pas chez Danielle Steel. L'autrice agit plus finement. Bien sûr, j'ai regretté qu'Alma ne dise pas toute la vérité à son mari dès le départ, mais on peut comprendre pourquoi elle ne l'a pas fait.
Quand je lis un roman de ce genre, j'ai toujours l'espoir (peut-être fou) qu'il aidera les gens à ne pas reproduire les erreurs (dans ce cas, les horreurs) qui y sont décrites. Je ne parle pas seulement de mal fait à un peuple, mais de la fausse tolérance que j'évoquais avec mon exemple de ceux qui veulent gommer des différences qu'ils ne se donnent même pas la peine d'essayer de comprendre.
Éditeur: Faubourg Marigny.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Sandrine Strobino pour la Bibliothèque Sonore Romande.
Sandrine Strobino fait partie des lecteurs bénévoles qu'il me plaît de retrouver, même si cela fait longtemps que je n'ai pas lu de livres enregistrés par elle. Outre une voix très agréable et une diction soignée, elle a le ton toujours adéquat. Cela et le cas dans ce roman. En tant que grande pinailleuse devant l'éternel, je regrette qu'elle ait fait un «r» anglophone pour des mots comme «Brown»...
Sinon, elle a réussi un de mes tests de prononciation (je suis aussi une grande maniaque), car elle prononce «dégingandé» correctement.
Dans ce roman, il y a des dialogues en langue indienne. Cela n'a pas dû être aisé pour la lectrice. Il s'agissait de lire, avec le ton, et avec un air qui donnait à penser que cela lui était naturel, des phrases dont elle ignorait totalement la signification. Heureusement, les dialogues étaient courts, et le contexte expliquait quel ton il fallait mettre. Quant à la prononciation, je ne la connais pas, mais la lectrice a lu ces dialogues comme si cela lui était naturel. Je lui adresse mes compliments, car à sa place, je doute que j'aurais pu en faire autant.
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