lundi, 15 mai 2023

Pour l'honneur de tous les miens, d'Amanda Skenandore.

Pour l'honneur de tous les miens

L'ouvrage:
Philadelphie, 1906. Ce matin-là, en lisant le journal, Alma Mitchell tombe sur un article disant qu'un agent fédéral a été tué, et qu'un indien a été arrêté pour ce meurtre. Le présumé coupable, Alma le connaît: ils étaient camarades de classe et amis dans le pensionnat que son père avait ouvert dans le Wisconsin, vingt-cinq ans plus tôt. Convaincue de l'innocence de son ami, la jeune femme compte faire son possible pour le sauver de la corde.

Critique:
Ce roman m'a plu. Il est dur, mais c'est une dureté nécessaire, afin qu'on n'oublie pas ce dont ont été capables les hommes. Dans une note, l'autrice explique que les personnages sont fictifs, mais que des faits similaires à ceux qu'ils vivent sont arrivés.

Le récit alterne les chapitres contant le présent d'Alma (1906) et ceux narrant son passé (de 1881 à 1891) dans le Wisconsin.

Le père d'Alma m'a rappelé celui de Bethia dans «L'autre rive du monde», de Géraldine Brooks. Celui-ci est plein de bonnes intentions, mais il veut «civiliser» les Indiens. On retrouve cette idée chez le père d'Alma. Il dit vouloir le bien des Indiens, mais il ne cherche pas à imaginer les dommages qu'il cause à d'autres êtres humains, et est à mille lieues de les voir égaux aux blancs. Ce genre d'idées n'a malheureusement pas disparu de notre société. Lorsqu'on entend certaines personnes dire qu'elles veulent être amies avec des homosexuels pour les «ramener dans le droit chemin», c'est exactement le même type de pensées. C'est glaçant car on peut avoir l'impression que les personnes comme le père d'Alma sont tolérantes, alors qu'en réalité, il n'en est rien. Il finit d'ailleurs par le montrer... Alma est une victime collatérale. En effet, si ce qu'elle a subi n'est pas de l'ordre de ce qui a été fait aux Indiens, elle a souffert par plusieurs biais, et l'un d'eux est justement qu'elle est la personne qui a le plus cru en son père. Cependant, elle n'a jamais consciemment réfléchi à ce que cela signifiait vraiment: le vol des terres, de la langue, des coutumes, des croyances. Alma ne peut pas être blâmée comme l'est son père. J'apprécie que l'autrice ait créé un personnage comme elle, un personnage sincère, ne voyant pas le mal que d'autres font soi-disant au nom du bien, n'appréhendant pas l'impact que cela a, dès le départ, sur toutes ces vies. En un sens, c'est la vision d'Alma la plus juste: elle souhaitait que chacun apprenne de l'autre, que chaque culture profite l'une à l'autre, sans que personne n'abandonne rien de son identité, de soi-même.

J'ai eu du mal à accepter la «défense» d'Asku. J'ai compris ses motivations, mais j'aurais préféré qu'il souhaite se battre pour aider ceux de son peuple qui connaîtraient les mêmes souffrances. Bien sûr, c'est mon côté utopiste qui ressort. Objectivement, il aurait été impossible à Asku de faire cela.

J'ai apprécié qu'Amanda Skenandore ne tombe pas dans le cliché qui ferait du mari d'Alma un rustre intolérant, horreur dont Alma s'apercevrait justement à la lumière de ce qui arrive à Asku. Heureusement pour moi, on n'est pas chez Danielle Steel. L'autrice agit plus finement. Bien sûr, j'ai regretté qu'Alma ne dise pas toute la vérité à son mari dès le départ, mais on peut comprendre pourquoi elle ne l'a pas fait.

Quand je lis un roman de ce genre, j'ai toujours l'espoir (peut-être fou) qu'il aidera les gens à ne pas reproduire les erreurs (dans ce cas, les horreurs) qui y sont décrites. Je ne parle pas seulement de mal fait à un peuple, mais de la fausse tolérance que j'évoquais avec mon exemple de ceux qui veulent gommer des différences qu'ils ne se donnent même pas la peine d'essayer de comprendre.

Éditeur: Faubourg Marigny.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Sandrine Strobino pour la Bibliothèque Sonore Romande.

Sandrine Strobino fait partie des lecteurs bénévoles qu'il me plaît de retrouver, même si cela fait longtemps que je n'ai pas lu de livres enregistrés par elle. Outre une voix très agréable et une diction soignée, elle a le ton toujours adéquat. Cela et le cas dans ce roman. En tant que grande pinailleuse devant l'éternel, je regrette qu'elle ait fait un «r» anglophone pour des mots comme «Brown»... ;-)
Sinon, elle a réussi un de mes tests de prononciation (je suis aussi une grande maniaque), car elle prononce «dégingandé» correctement.

Dans ce roman, il y a des dialogues en langue indienne. Cela n'a pas dû être aisé pour la lectrice. Il s'agissait de lire, avec le ton, et avec un air qui donnait à penser que cela lui était naturel, des phrases dont elle ignorait totalement la signification. Heureusement, les dialogues étaient courts, et le contexte expliquait quel ton il fallait mettre. Quant à la prononciation, je ne la connais pas, mais la lectrice a lu ces dialogues comme si cela lui était naturel. Je lui adresse mes compliments, car à sa place, je doute que j'aurais pu en faire autant.

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jeudi, 11 mai 2023

Le faussaire de Hambourg, de Cay Rademacher.

Le faussaire de Hambourg

L'ouvrage:
Lors d'une arrestation, le suspect tire sur Frank Stave. Pendant son séjour à l'hôpital, celui-ci décide, pour diverses raisons, qu'il ne travaillera plus aux homicides. Il préfère se tourner vers la lutte contre le marché noir...

Critique:
Cette conclusion à la trilogie hambourgoise m'a beaucoup plu. D'ailleurs, j'aurais souhaité que l'auteur prolongeât les enquêtes de Frank Stave, et fasse davantage qu'une trilogie. Cependant, je me console en me disant qu'au moins, il ne termine pas la série par la mort de Stave. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je craignais cela.

Cay Rademacher apporte d'intéressantes nuances à sa façon de faire par rapport aux autres tomes. Par exemple, Stave enquête sur deux affaires en même temps. En effet, il a quitté les homicides, mais son sens de la justice l'empêche d'abandonner totalement l'affaire qui se présente, et il se voit confier une autre enquête concernant le marché noir. Il m'a plu de suivre les deux intrigues, et de voir Stave se débrouiller pour que son enquête sur le meurtre reste inconnue de son collègue. J'ai aussi apprécié la réaction du policier lorsqu'il finit par tout comprendre de l'une et de l'autre affaire, et pousse les coupables dans leurs derniers retranchements.

Là encore, le contexte historique est captivant. Ce que raconte le procureur à Stave est à la fois incroyable et édifiant. Ce que planifie Klaus von Gudo est un exemple de ce que firent certains nazis... De plus, on assiste à la naissance du Deutsch Mark (j'ignorais totalement dans quelles circonstances il avait fait son apparition) et avec cela, à un certain renouveau...
Ce qui arrive à Erna fait également partie du contexte historique. J'ai également apprécié ce qui arrive dans la vie privée de Stave. Tout n'est pas absolument rose, mais ce qui posait problème semble en bonne voie d'être progressivement amélioré. Pour cela, il a, bien sûr, fallu que Stave, ainsi que les deux personnages les plus importants de sa vie, se remettent en question.

Cay Rademacher a écrit d'autres romans, mais un seul (le tome 1 d'une autre série) a été traduit. J'espère qu'il sortira en audio, et que d'autres seront traduits.

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Nicolas Dangoise pour les éditions Sixtrid.

Le jeu du comédien m'a autant plu que dans les tomes précédents. J'aimerais bien lire d'autres livres qu'il a enregistrés, mais malheureusement, ceux-ci ne me tentent pas. J'espère donc qu'il en enregistrera qui me tenteront.

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lundi, 8 mai 2023

L'orphelin des docks, de Cay Rademacher.

L'orphelin des docks

L'ouvrage:
Hambourg, fin mai 1948. La police est appelée sur un chantier: dans un hangar, les ouvriers ont retrouvé le cadavre d'un jeune garçon assis sur une bombe non détonée. L'inspecteur principal Stave enquête.

Critique:
Comme dans «L'assassin des ruines» (le tome 1 de cette trilogie hambourgoise) Cay Rademacher décrit l'Allemagne de l'après-guerre. Le rationnement, la nourriture peu ragoûtante, le marché noir, les gens tentant de se reconstruire. C'est dans ce contexte que Stave et Macdonald (que nous retrouvons également) doivent résoudre le meurtre du jeune Adolf. L'énigme est bien menée. Comme dans le tome 1, l'auteur ne va pas à cent à l'heure, et ce n'est pas dérangeant, car il prend le temps de montrer les actes des protagonistes. Par exemple, Stave n'interroge pas seulement la famille de la victime. Il parvient à rencontrer d'autres personnes qui la côtoyèrent, ce qui permet à l'auteur d'en dire davantage sur le contexte historique. Par exemple, j'ignorais l'existence de ceux qu'on appelait les enfants-loups, et je pense que Cay Rademacher ne les a pas inventés.
Je n'avais pas deviné l'identité du coupable avant Stave. L'auteur s'est d'ailleurs arrangé pour que, tout en en apprenant davantage sur Adolf, le lecteur reste dans le flou le concernant. J'ai trouvé cela très bien joué.

Autre chose a fait que le morcellement de l'enquête ne m'a pas du tout gênée: le romancier laisse une place importante aux événements se déroulant dans la vie privée de Stave. Ce faisant, il parvient encore à montrer le contexte historique. Entre ce qui est arrivé à Carl et la manière dont Anna continue d'agir pour survivre, nous avons des échantillons de ce qui se passait juste après la guerre.

Carl ne m'inspirais pas trop confiance. Je craignais qu'il reste coincé entre rancoeur et idéologie nazie. Heureusement, les choses sont plus complexes. À la fin de ce tome 2, le lecteur attend d'ailleurs de savoir si Carl a attendu son père. J'ai hâte de commencer le tome 3 pour découvrir ce qui est arrivé à ce sujet le soir où se termine le tome 2.
Quant à Anna, je l'apprécie, mais elle m'a semblé trop entière... Certes, il faut que je me mette à sa place, et pas seulement à celle de Stave.

Entre les conditions de vie et l'enquête, le rire n'est pas de la partie. Cependant, le romancier en glisse parfois un peu, notamment avec la menace de la mutation de Macdonald en Palestine.

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Nicolas Dangoise pour les éditions Sixtrid.

J'ai retrouvé le comédien avec plaisir, et son jeu m'a autant plu que dans «L'assassin des ruines».

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jeudi, 4 mai 2023

L'immeuble de la rue Cavendish, tome 3: Lucie se rebiffe, de Caroline Kant.

L'immeuble de la rue Cavendish, tome 3: Lucie se rebiffe

L'ouvrage:
Lucie Leblanc, soixante-quatorze ans, est veuve depuis peu. Ses enfants l'ont obligée à vendre son cinq pièces, prétextant qu'il était trop grand pour elle. La voilà contrainte de louer un «petit» appartement. Elle en trouve un dans un immeuble rue Cavendish.

Critique:
C'est avec joie que je me suis plongée dans une nouvelle aventure de l'immeuble de la rue Cavendish. Ma petite appréhension (Lucie est un nouveau personnage) a très vite été balayée. L'héroïne, malgré sa détresse, s'est très vite révélée enjouée et pleine d'entrain. En effet, elle n'est pas contente de devoir troquer son appartement contre un bien plus petit, elle est en plein désarroi d'être dans un coin pas assez bien classé selon elle... Pourtant, elle n'est pas désagréable, et son récit est tout de suite vif. Sa peine ne fait pas qu'elle s'apitoie sur son sort. Elle parvient rapidement à prendre les bonnes choses qui se présentent. D'ailleurs, la plupart la surprennent. Elle n'aurait jamais pensé qu'elle s'entendrait bien avec Kylie ou avec Aimée, et qu'elle aurait rapidement envie de protéger Hippolyte, même si au début, celui-ci l'agaçait. C'est un peu la même idée concernant Guy. Ce dernier n'est pas forcément apprécié de tous dans l'immeuble, et au départ, Lucie menaçait d'entrer dans ce camp-là. Et puis les circonstances font que chacun découvre qu'il peut apporter quelque chose à l'autre.

J'ai apprécié que les personnages que je viens de citer fassent tomber les barrières de Lucie, la forcent à remettre en question ce qu'elle pensait... Bien sûr, j'ai été un peu déçue de très peu rencontrer Margaux, mais m'étant rapidement attachée à Lucie, cela ne m'a pas trop gênée.
Je n'appréciais pas Thomas plus que ça: dans le tome 3, il continue à gagner ma réprobation. Heureusement que Lucie est là...

Au début, Caroline Kant pointe quelque chose d'évident. À mesure que le récit avance, Lucie voit cette chose. J'ai aimé que l'autrice bifurque, et que Lucie ne soit finalement pas la victime. Bien sûr, sa situation est quand même délicate, mais j'ai aimé voir se dérouler les événements du point de vue de l'amie et non de celui de la victime. Enfin, j'ai bien ri à la lecture de la solution que trouve Lucie à cet épineux problème... ;-)

L'espèce d'énigme posée dès le tome 1 est toujours présente. Le lecteur entrevoit une explication. J'espère que la suite nous fera rapidement avancer à ce sujet.

Le tome 4 n'est pas encore sorti en audio... Quel dommage! Vivement qu'il paraisse!!! Apparemment, il sera centré autour d'Hermine que nous rencontrons brièvement dans les tomes 2 et 3.

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Pascale Chemin pour les éditions Audible Studios, dont vous trouverez le catalogue sur le site Audible.

Encore une fois, le talent de Pascale Chemin s'est illustré. J'aime beaucoup la manière (jamais cabotine) dont elle joue Lucie. Souvent, elle prend une voix joviale, pleine d'entrain. C'est exactement comme ça que j'imagine L'héroïne, qui ne se laisse pas abattre, malgré les coups durs.
Comme d'habitude, Pascale Chemin interprète une galerie de personnages sans excès. Elle joue parfaitement leurs sentiments et émotions.

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lundi, 1 mai 2023

Les femmes du bout du monde, de Mélissa da Costa.

Les femmes du bout du monde

L'ouvrage:
Paris.
Flore a décidé de tout quitter, d'aller traîner son dégoût d'elle-même le plus loin possible. C'est ainsi qu'elle part pour la Nouvelle-Zélande, dans la région isolée des Catlins. Là, vivent Autumn et sa fille Milly. Elles gèrent un camping. Flore leur propose ses services.

Critique:
Ce roman m'a beaucoup plu. J'ai rapidement compris que ces trois femmes allaient tenter de s'apprivoiser, de chasser leurs démons en puisant force et stabilité les unes dans les autres. Il est fascinant de voir qu'une personne brisée en apparence, peut se relever grâce à l'aide d'autres personnes dans le même état, et peut les aider également. Ce n'est pas parce qu'on se pense à bout de course qu'on n'a pas en soi la ressource d'apporter quelque chose à d'autres.

Bien sûr, on a tout de suite envie de savoir pourquoi Flore éprouve tant de répugnance pour elle-même, pourquoi elle ne trouve un peu de paix qu'en se souillant. Il va de soi que la romancière fait attendre son lecteur. Cependant, cette attente n'est pas pesante, car il n'y a pas de remplissage. Ce que Flore finit par révéler montre l'importance d'une bonne communication. J'aurais aimé connaître la réaction de Paul après l'explication de la jeune femme. Utilisera-t-il son passé afin d'éviter un futur naufrage?

J'ai apprécié la manière dont Mélissa da Costa montre qu'il est néfaste de trop vouloir ranger les gens dans des catégories. Le premier exemple est celui de la «barrière» entre deux familles voisines. Au départ, je pensais que c'étaient les adultes qui l'avaient dressée. Apparemment, c'est bien plus complexe. Le deuxième exemple est celui auquel est confrontée Autumn lorsqu'elle découvre une chose qu'elle pense mal. Puis elle voit un geste qui la fait réfléchir... Ce geste est bien plus éloquent que n'importe quel discours.

Je ne sais pas si j'aurais eu la force d'accepter, ce que finissent par faire Flore et Autumn. Elles savent que cette acceptation est saine, nécessaire, et que c'est une preuve d'amour. Autumn a eu vingt ans pour cesser d'y faire obstacle... L'autrice décrit avec finesse, délicatesse, et bon sens les sentiments de ces trois femmes. Ces sentiments et certaines façons d'agir éveilleront des échos en nous. Par exemple, Flore se fait des promesses, et est sûre que si elle ne les tient pas, tout s'effondrera. Elle aime avoir recours à des chansons pour exprimer certains sentiments... Quant à Autumn, n'importe quelle mère digne de ce nom comprendra ses états d'âme.

Service presse des éditions Audiolib.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Valérie Muzzi.

Valérie Muzzi est une comédienne dont j'apprécie beaucoup le jeu. Comme à son habitude, elle a su rendre les émotions et les sentiments des personnages sans excès. En outre, elle a bien dit les quelques petits passages en espagnol et en anglais. J'espère qu'elle enregistrera de plus en plus de livres qui me tenteront.

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