Où vivaient les gens heureux

L'ouvrage:
Pour son mariage, Al a invité sa famille. C'est l'occasion pour Eleanor, la mère d'Al, de revoir deux de ses enfants, son ancien mari...

Critique:
Pour moi, Joyce Maynard est une autrice «dangereuse», car j'ai beaucoup aimé l'un de ses romans («Les règles d'usage»), n'ai pas aimé «Les filles de l'ouragan», et suis mitigée quant à «De si bons amis». Je suis contente d'avoir gagné mon pari, et d'avoir eu raison de tenter «Où vivaient les gens heureux». Ce roman m'a plu, même si j'ai un reproche à lui adresser. Cela tient à sa structure. Joyce Maynard a fait ce que je n'aime pas: son prologue décrit une scène récurrente du passé, et ses premiers chapitres se déroulent dans le présent, au moment du mariage d'Al. Les chapitres 4 et 5 décrivent un moment du passé lointain d'Eleanor où elle a environ vingt ans. À partir du chapitre 6, l'histoire d'Eleanor est racontée de ses seize ans jusqu'au mariage d'Al. Au chapitre 98, nous revenons au mariage d'Al, jusqu'au chapitre 100, le dernier. D'une manière générale, je n'aime pas ce genre de structures, mais il m'est arrivé de reconnaître que certains romanciers avaient eu raison d'en user. Ici, ce n'est pas le cas. En faisant ainsi, Joyce Maynard fait l'erreur que je pardonne le moins: elle révèle certains éléments dès le départ, alors qu'il aurait été plus intéressant de les apprendre au fil de la lecture. Je pense surtout (mais pas seulement) à ce qui concerne Al. J'aurais préféré suivre son cheminement, et voir si je le comprenais, plutôt que de savoir dès le départ à quoi m'en tenir à son sujet. Ce n'est pas le seul exemple que je pourrais donner, mais un autre me ferait faire ce que je reproche à l'autrice.

Au long du roman, certains personnages m'ont forcée à me demander comment j'aurais agi à leur place. Je blâmais Eleanor pour une chose, la plaignais pour une autre, blâmais Cam pour autre chose... Certes, mais qu'aurais-je pait à leur place? Pendant longtemps, Eleanor ne parvient pas à pardonner quelque chose à quelqu'un, cela la rend dure et injuste à un moment où elle aurait peut-être pu sauver quelque chose. Certes, mais me connaissant, j'aurais eu la même difficulté qu'elle. J'espère que cela ne m'aurait pas rendue cruelle, mais je ne peux pas le savoir. Tant qu'on n'a pas connu une situation de cette gravité, on ne peut pas garantir sa manière de réagir.
J'ai tenté de faire preuve de la même mansuétude envers Cam, mais il y a quand même une chose qui, pour moi, n'est pas passée à son propos: son mensonge aux enfants. C'est ce mensonge couplé à l'attitude d'Eleanor (celle-ci se débattait entre sa loyauté et son ressentiment) qui, pour moi, ont causé le plus de dégâts. Cam ne dirait pas cela, car les dégâts ne l'ont pas touché. C'est aussi pour cela que c'est à lui que j'en veux le plus. Eleanor n'agit pas toujours bien, mais elle souffre. Cam souffre également, mais auprès de ses enfants, il joue le rôle du gentil, tout en sachant très bien qu'il a tout fait pour que ceux-ci pensent qu'il n'a rien à se reprocher, et qu'il est injustement maltraité. De plus, j'ai eu du mal à supporter son côté trop léger concernant l'argent. Il s'empresse de dire qu'Eleanor ne s'intéresse qu'à cela, mais sans argent, on ne va pas loin. Il semble que Cam ne l'apprenne jamais...
D'une manière générale, de mauvaises choses arrivent à cause des malentendus et des non-dits qu'Eleanor n'a pas la possibilité de dissiper.
L'attitude de chaque personnage est intéressante (même si je ne les évoque pas tous), car chacun a quelque chose à dire. Pas toujours adroitement, certes. C'est ce qui rend le tout réaliste.

L'autrice n'oublie pas d'insérer de petites pointes d'ironie dans certaines situations. Ayant du mal à trouver Cam sympathique (sauf lorsqu'il s'occupe de Toby) je n'ai pu m'empêcher de penser que certaines déconvenues (je le tourne ainsi pour ne pas trop en dire) qu'il finit par avoir étaient méritées. Sur ce point, Eleanor est plus sympathique que moi.

Comme souvent, j'aurais souhaité des chapitres supplémentaires. Pour moi, tout n'est pas dit, à la fin.

J'ai trouvé un peu dommage que le livre ne soit pas davantage situé dans le temps. Grâce à des événements célèbres arrivant pendant telle phase de la vie des personnages (le mariage du prince Charles, la mort de John Lennon, celle de la princesse Diana) le lecteur parvient à se situer à peu près dans le temps, mais j'aurais aimé que cela soit plus précis. Mon côté maniaque, sans doute...

Un roman qui fait réfléchir quant au rapport que nous entretenons les uns avec les autres.

Service presse des éditions Lizzie par l'intermédiaire de la plateforme de lecture NetGalley.

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Anny Romand.

Je ne connaissais pas du tout cette comédienne. J'ai apprécié sa voix calme et sa lecture ni trop sobre ni cabotine. Sans excès, elle est parvenue à jouer les sentiments des personnages. De plus, elle n'a jamais modifié sa voix à outrance pour les rôles masculins.
En tant que pinailleuse, je déplore qu'elle ait prononcé des «é» fermés alors qu'ils auraient dû être ouverts, par exemple les «ais», «ait», «aient».
De plus, parfois, j'avais l'impression qu'il aurait fallu qu'elle se racle la gorge.
Enfin, si elle prononce la plupart des noms sans affectation, sa prononciation de Diana («Daïana», à l'anglophone), et de Russell (avec le «r» anglophone) ne m'a pas plu. Heureusement pour moi, ces deux prénoms apparaissent peu.

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