Meurtres pour rédemption

L'ouvrage:
Marianne de Gréville a vingt-et-un ans. Elle est en prison à perpétuité pour meurtres. Elle s'est forgé une carapace afin de survivre. Elle y réussit d'autant mieux qu'en tant que détenue dangereuse, elle est seule dans sa cellule, ne se promène pas en même temps que les autres, n'a pas le droit de travailler, etc. Cependant, les choses se compliquent de diverses façons.

Critique:
Comme dans «Purgatoire des innocents», Karine Giébel précipite ses personnages dans un chaos de sentiments exacerbés par les conditions, les circonstances dans lesquels ils se développent. Malgré son épaisseur, ce livre ne souffre d'aucun temps mort. La tension, le suspense, les sensations extrêmes sont au rendez-vous du début à la fin.

Comme dans tous ses romans, elle plante parfaitement le décor, analyse à merveille ses personnages, et déroule son intrigue sans anicroches.

Les personnages de Karine Giébel sont toujours profondément humains. Ils sont également meurtris, mais tentent d'avancer, même lorsqu'ils croient en être incapables.
Ici, comment ne pas se fondre dans le personnage complexe de Marianne qui a eu le malheur d'être élevée par les mauvaises personnes. Ce personnage charismatique semble presque double: d'un côté, elle peut être une machine impitoyable et incapable de contrôler ses pulsions; de l'autre, elle peut faire preuve d'abnégation, de générosité. Elle peut se mettre à nu, montrer ses faiblesse et ses défaillances, accorder sa confiance sans limites. L'auteur a su créer un personnage qui, au premier abord, paraît détestable, et qui, par la suite, donne envie de la connaître. D'ailleurs, ceux qui s'y hasardent se verront transformés.

Je ne peux pas parler de tous les personnages, mais aucun ne laissera le lecteur indifférent. J'avoue avoir eu du mal à m'attacher à Franck, alors que je pense que l'auteur voulait qu'on s'y attache.

Avec une méticulosité à glacer le sang, la romancière dépeint l'univers carcéral. Je ne sais pas jusqu'à quel point ce qu'elle décrit arrive, mais j'ai trouvé tout cela très réaliste: les matons sadiques, ceux qui font ce travail pour comprendre et aider, les amours au goût de désespoir, les clans, les «règles» qui ont cours entre détenus, la solidarité, l'humanité qui finit par lier d'amitié des duos improbables.

Parfois, alors qu'on ne s'y attend pas, un élément survient, et les choses prennent un tour totalement différent. D'autre part, certaines choses sont prévisibles, mais cela ne gêne en rien la lecture, car le suspense n'est qu'une infime composante de ce récit. J'ai d'ailleurs été surprise qu'un personnage comme Franck n'ait pas su une chose qui était évidente. C'est la preuve qu'il restait en lui une part d'humanité encore intacte... c'est le cas chez beaucoup de personnages de Karine Giébel.

Comme dans la plupart des romans de cette auteur, la fin est pessimiste. Je pense qu'il vaut mieux savoir que cette romancière est coutumière du fait, car ainsi, on tente de se prémunir, et de ne pas s'attacher aux personnages... Cela ne fonctionne pas toujours... Cependant, ici, une telle fin aurait difficilement pu être autre, tout au moins pour un ou deux personnages. Marianne finit d'ailleurs par être très lucide à ce sujet.

Un livre dur, renfermant certains personnages sordides, mais où parfois, quelques moments de répit se fraient un chemin. Un livre réaliste, coup de poing. Un roman dont mes mots sont impuissants à rendre la beauté, la sauvagerie, la justesse.

Remarque annexe:
Comme dans d'autres ouvrages de Karine Giébel, il y a des scènes où certains personnages sont très amochés (ils ont été frappés), et où ils parviennent à faire des choses dont on les croirait incapables. La palme revient, je pense, à Marianne.

Éditeur: Fleuve Noir.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée pour le GIAA

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