Les affligés

L'ouvrage:
1919, Australie.
Après dix ans d'absence, Quinn Walker revient dans le petit village de son enfance. Il en est parti après le viol et le meurtre de sa soeur, Sarah. Il en avait été accusé parce qu'on l'a trouvé près du cadavre, couvert de sang, et tenant l'arme du crime, mais aussi à cause de sa fuite.
À présent, Quinn a besoin de clamer son innocence. La maison de ses parents est en quarantaine car Mary, sa mère, a la grippe espagnole. Quinn va lui rendre visite quand personne n'est là. Mary est la seule à le croire.
Le reste du temps, il se cache. Il sait que si le véritable assassin de Sarah le trouve, c'en est fini de lui. C'est au cours de ses errances qu'il rencontre Sadie Fox, fillette dont les parents sont morts de la grippe espagnole et dont le frère, Thomas, n'est pas revenu du front.

Critique:
Se laisser emporter dans ce livre, c'est plonger au coeur d'émotions et de sentiments très forts. Quinn est un homme qu'on pourrait croire brisé. Comme si la blessure psychologique de son enfance ne suffisait pas, il a fait la guerre, et en est revenu marqué autant moralement que physiquement. C'est un homme à vif, à fleur de peau, qui semble dénué de forces. Il se laisse souvent guider par Sadie qui a dû apprendre à survivre seule dans la forêt. L'enfant semble savoir ce qu'il doit faire avant lui. Dotée d'un solide bon sens, elle n'est pas tout à fait sortie de l'enfance, elle a certains espoirs fous, elle ignore des choses comme le sens de certains mots, elle se pique de magie... À ce sujet, je n'ai pas apprécié l'un de ses actes. Je sais que pour elle, cela entrait dans ce qu'elle avait à faire, mais cela me l'a rendue beaucoup moins sympathique.
À la fin, l'enfant abandonnera quelque chose d'elle-même, et acquerra un autre type de sagesse et de lucidité...

Chris Womersley évoque une famille déchirée, qui ne s'est jamais remise. Les non-dits, la suspicion, la douleur les ont anéantis. Contrairement à Quinn, ils n'ont pas tenté de se relever. Il est quand même regrettable que le père de Quinn ait si aisément cru à la culpabilité de son fils. Il est également dommage que ces parents n'aient pas su voir la complicité de leurs deux enfants comme une bonne chose, et se soient employés à la détruire. Ils ne savaient même pas que c'était plutôt Sarah qui avait un ascendant sur Quinn: ils pensaient que c'était le contraire. Cela montre que la famille n'était pas si soudée qu'elle le paraissait avant le drame. Autre chose irait dans ce sens, mais je ne peux pas en parler pour ne pas trop en dévoiler. Bref, une famille plus unie aurait voulu protéger ses membres, et faire front.

Tout cela est abordé d'un style poétique sans grandiloquence. Outre des thèmes très justes et des personnages qui ne pourront pas laisser le lecteur indifférent, Chris Womersley a su créer une atmosphère particulière. Ces paysages, ces errances physiques et mentales (Quinn doit se cacher, mais il voit souvent sa soeur, prenant parfois Sadie pour elle; Mary croit, au départ, que son fils est une hallucination due à la fièvre), tout cela tisse un univers onirique dans lequel le lecteur se laisse prendre. Je me suis plusieurs fois projetée aux côtés des personnages, l'auteur ayant fait en sorte d'abolir la frontière entre le lecteur et eux, car dans un rêve, on peut retrouver qui on veut.

Dans les remerciements, l'auteur explique que grâce à son éditrice, le livre est deux fois moins long qu'au départ. Cela veut dire qu'elle lui a indiqué des longueurs. Je trouve cela très important, car beaucoup de livres perdent de leur acuité et de leur saveur à cause de nombreuses lenteurs.

Un livre où le désespoir se teinte d'une lueur d'optimisme, où la beauté de l'écriture est au service de celle des paysages et des sentiments décrits.

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par mon mari.
Ce livre m'a été offert par les éditions Albin Michel

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