Le mystère Sherlock

L'ouvrage:
Meiringens, Suisse.
La police se rend à l'hôtel Baker Street après un week-end où s'est déroulé un colloque dont les participants étaient amateurs du détective Sherlock Holmes. Chacun voulait obtenir la chaire de holmesologie créée en l'honneur du professeur Bobo qui va prendre sa retraite. Pendant ce week-end, les participants se sont retrouvés bloqués dans l'hôtel et privés d'électricité à cause de la neige et du mauvais temps.
La police découvre que les onze amateur de Sherlock Holmes sont morts. Ils vont pouvoir reconstituer le week-end grâce à des bandes audio et des carnets écrits par différents protagonistes de l'affaire.

Critique:
Quel plaisir de retrouver J. M. Erre plus en forme que jamais! Comme dans «Série Z», l'humour domine. Il est de toutes sortes: parfois un peu lourd, noir, dû à des répliques, à la récurrence de certaines blagues, à des attitudes, à des situations rocambolesques voire épiques, au caractère des personnages, à la façon qu'a l'auteur de rédiger certaines fiches profil, ou bien de décrire de manière compliquée un événement très simple (comme le vol plané d'Éva)... J'ai eu plusieurs fous rires, ainsi que la personne qui m'a enregistré ce roman. Je concède que certains traits, pris séparément, seraient moins amusant. Mais l'ensemble m'a fait rire par son enchaînement. Les différentes sortes de comiques s'abattent sur le lecteur à une vitesse vertigineuse, et c'est irrésistible.

S'il fallait donner un exemple plus précis, c'est sûrement le professeur Bobo qui suscita le plus mon hilarité. L'auteur force tellement le trait, le professeur est si caricatural qu'il en est désopilant. Et pourtant, ce qui est décrit, quand on y réfléchit, n'est pas drôle. Mais ce pauvre Bobo est si vieux, si perdu, ses post-it sont si éloquents... (Exemples de post-it: «main droite», «main gauche»...) Le ridicule et le grotesque sont à ce point accentués que cette parodie de débris humain ne peut que faire s'esclaffer le lecteur. En outre, sa disparition arrive assez tôt pour que le lecteur ne trouve pas sa présence lourde.

J. M. Erre évite ce qui ne m'a pas plu dans «Prenez soin du chien» par deux procédés astucieux. D'abord, le lecteur sait tout de suite que les onze personnages sont morts. Il va donc se défendre de s'y attacher. Ensuite, aucun n'est vraiment sympathique, à part peut-être Oscar et Audrey. Les autres sont trop fats, trop colériques, trop égoïstes. D'autre part, leur fanatisme les discrédite totalement, et ne les rend pas sympathiques. Ils réunissent tous les défauts qui distinguent l'admirateur du fanatique. Chacun se croit le meilleur, chacun est fermé d'esprit, aucun n'accepte qu'on lise autre chose que du Sherlock Holmes...
Leur personnalité fera que le lecteur aura plutôt envie de se moquer d'eux, et ne les regrettera pas vraiment.

L'intrigue ne souffre d'aucun temps mort. Elle est d'abord portée par l'humour omniprésent. Sous la plume de J. M. Erre, le fait le plus ordinaire devient amusant. Ensuite, l'auteur se diversifie en insérant de petits interludes comme des extraits du «Sherlock Holmes pour les nuls», rédigé par Audrey, ou des questionnements des policiers. Il fait aussi varier les points de vue. On savourera particulièrement les lettres de Dolorès à son directeur de conscience.

Les rebondissements sont assez nombreux et divers pour éviter l'ennui du lecteur.
J. M. Erre en profite également pour rassembler quelques théories à propos du détective préféré de nos héros dont certaines sont assez loufoques. Ma favorite est sûrement celle où il est démontré qu'Arsène Lupin est le fils caché de Sherlock Holmes.

Quant à la résolution de l'énigme, elle n'est pas tirée par les cheveux. Elle est peut-être un peu facile, mais après lecture, je pense être passée par le raisonnement souhaité par l'auteur. J'ai un peu soupçonné quelqu'un, puis je l'ai oublié... je ne détaillerai pas tout mon raisonnement, mais je pense que c'est ce que voulait l'auteur. Par ailleurs, cette résolution est conforme à ce à quoi on pourrait s'attendre.

Je ne peux me résoudre à évoquer une scène plus qu'une autre, tant j'ai aimé le livre dans son ensemble. Disons, pour n'en citer que quelques-unes: la parodie de vaudeville (trois personnages étaient sous le lit du professeur Bobo, espérant voler le manuscrit, et tombent sur un autre qui, lui, se fait prendre); le combat entre Éva et Dolorès (parodie de scène épique); JPP donnant un coup de poing, manquant sa cible, et s'écrasant au sol; la scène où les survivants veulent s'assurer que les morts sont bien morts...

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par mon mari.
Ce livre m'a été offert par les éditions Buchet-Chastel Il est sorti hier, le 2 février.

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