Le château d'encre

L'ouvrage:
Le narrateur, un enfant de onze ans, vit avec sa mère (Sarah) et sa soeur (Dorine) dans le château d'encre. Ils ne supportent pas la trop forte lumière, et doivent rester dans la pénombre. C'est le cas de tous les habitants de la planète, mais ils se prémunissent contre n'importe quel mal grâce à leurs ombres. Ces ombres sont des parasites constitués de bactéries formant une espèce de pâte noirâtre qui ne peuvent subsister qu'en se nourrissant de maux humains.

Dorine tient un petit commerce: elle «répare» les ombres qui n'ont pas assez à manger ou se font estropier au hasard des trajets de leurs humains. Elle les maquille aussi, lorsque les hommes le demandent.

Un jour, Jonathan Blitz débarque. Il est montreur d'ombres.

Critique:
Ce petit roman présente à merveille cette histoire d'ombres parasites. Avec l'art dont il est coutumier, Brussolo exploite l'idée sous toutes ses coutures. Au départ, c'est une bonne idée, mais on se rend compte que la solution n'est pas sans failles. Par exemple, les ombres peuvent être mal nourries car leurs humains sont trop bien portants. Ou bien, si une ombre meurt ou est trop endommagée, tous les maux qu'elle n'a pas digérés s'abattent en même temps sur l'humain auquel elle était attachée.
Ensuite, le racisme humain s'en mêle: telle caste ne veut pas une ombre de la même couleur que telle autre. Tout cela est terriblement réaliste.

Le personnage du narrateur est assez déstabilisant. Son comportement change envers les ombres de manière trop radicale. Au départ, le lecteur en est surpris. En fait, le jeune narrateur est égoïste et s'ennuie. Il agit donc au gré de ses humeurs sans trop se demander si ça peut blesser quelqu'un. Même quand il fait le bien, il le fait pour passer le temps.
Ce garçonnet n'est pas toujours crédible, il ne ressemble pas vraiment à un enfant, mais c'est le lot des enfants brussoliens, sauf qu'en général, ils sont plus sages et posés que les adultes, alors qu'ici, le narrateur est déboussolé parce qu'il est à la fois couvé et livré à lui-même. Il m'a tout de même paru invraisemblable en tant qu'enfant.

Sarah est étrange, et pas vraiment sympathique. Elle semble inadaptée, malgré le travail qu'elle fait. La preuve en est d'ailleurs donnée à la fin. L'auteur la nimbe de mystère, mais elle m'a plus agacée que donné envie de la découvrir. Elle est trop floue, trop étrange, et semble trop lunatique pour qu'on l'apprécie.
Dorine est plus intéressante. Elle n'aime pas sa vie, mais fait avec, et en tire le meilleur parti possible. Elle est énergique, volontaire, et saura saisir l'occasion de se débarrasser de ses chaînes.
Sarah représente le conservatisme, Dorine représente le progrès, et le narrateur est au milieu de cela, à se débattre entre des vents contraires qui le rendent fou et méchant.

J'ai lu quelque part que certains fans de Brussolo n'appréciaient pas ce petit roman. Pourtant, il développe de bonnes idées, et son intrigue est plaisante. On ne peut pas dire qu'il y ait des longueurs... Malgré certains personnages peu sympathiques, et des passages un peu crus, les idées valent la peine, et ce petit roman mérite d'être lu.

Note: J'ai lu ce roman dans le cadre du challenge Serge Brussolo organisé par Bambi Slaughter.

Éditeur: Denoël.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Brigitte Bourge.

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