Jessie

L'ouvrage:
Ce soir-là, Gérald a voulu s'amuser un peu. Avec des menottes, il a attaché sa femme, Jessie, à leur lit. Ces jeux sexuels excitent beaucoup Gérald. Quant à Jessie, en général, elle le laisse faire, au départ par curiosité, puis parce qu'elle voit que cela lui fait plaisir. Ce soir, elle en a assez. Alors que Gérald, très excité, lui tourne autour, elle lui demande de la détacher. Il refuse, le ton monte, et elle lui donne un coup de pied. C'est alors qu'il meurt d'une crise cardiaque.

Critique:
Voilà un autre roman de Stephen King qui m'a plu. Je préfère cet auteur lorsqu'il s'attache à la psychologie des personnages. Ce roman m'a rappelé «La petite fille qui aimait Tom Gordon» (écrit après, mais que j'ai lu avant). Jessie et Trisha vivent, au présent, une situation similaire. Elles tentent de ne pas se laisser submerger par la folie à cause de l'oppression due à cette situation. L'histoire du verre d'eau m'a rappelé celle des baies et des queues de violon. La façon dont les deux héroïnes sont confrontées à une «chose» qui veut les «prendre» est également semblable. Les deux héroïnes se parlent à elles-mêmes, ont des voix intérieures... tout comme Rosie dans «Rose Madder». Mais ça, je pense qu'on le trouve dans beaucoup de romans, et aussi dans la réalité!
J'ai aimé ce jeu de correspondances, car il n'est qu'un écho. Stephen King ne s'est pas moqué de son lecteur en se plagiant (d'autres l'ont fait).
Les deux héroïnes n'ont pas le même vécu ni le même caractère ni le même âge. L'aspect «fantastique» est également différent, malgré une apparente ressemblance.

Jessie doit rester seule avec elle-même pendant un certain temps. Cela l'oblige à regarder ses démons en face, à les laisser sortir de la zone sombre de son esprit dans laquelle elle les avait enfouis avec force et obstination. Elle ira au fond des blessures, les explorera, les grattera, les purifiera. Elle devra s'avouer ce qu'elle refusait de voir.
Certains diront peut-être que c'est trop facile, que ce dont se souvient Jessie est presque un lieu commun. Pourtant, l'auteur sait l'exploiter avec adresse, finesse, et à propos. Il en fait une histoire différente, expliquant les circonstances, décrivant et analysant les sentiments de son héroïne.

À part elle, les personnages ne sont pas vraiment sympathiques. Heureusement que l'héroïne l'est. Ruth l'est aussi, mais on la voit peu, et déformée parce que dans son malheur, c'est à elle que Jessie repense. Elle mélange souvenirs et espèces de fantasmes de ce que serait sa relation avec Ruth si elle avait perduré.
Bien sûr, j'ai eu pitié de Prince...

Quant à l'aspect fantastique, si on ne peut le nier dans «La petite fille qui aimait Tom Gordon», ici, il est plus discutable. Jessie finit par trouver une explication qui donne à penser qu'il n'en est même pas question. Cependant, une question demeure: comment l'homme pouvait-il connaître les noms de toutes les voix intérieures de notre héroïne? Il faudrait qu'elle ait parlé tout le temps à voix haute, apostrophé chaque «voix», et qu'il l'ait entendue.

À propos des voix intérieures, j'aime bien la façon dont Stephen King les utilise, pas seulement dans ce roman. Je trouve cela très pertinent, et non-dépourvu d'humour. On a tous nos voix intérieures, on a tous une petite voix plaintive, une qui admoneste, une qui soutient...

Éditeur: Albin Michel.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Pierrette Johner pour la Bibliothèque Sonore Romande.

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