L'ouvrage:
Corinne, Sibylle, et Georgette vivent avec leur mère. Chacune a son caractère. Elles sont soudées, et feront tout pour éviter que leur mère souffre.
Elles vont à l'école, à des anniversaires. Elles ont une vie banale. Une vie au-dessus de laquelle plane l'ombre de celui à qui on n'ouvre jamais, celui qu'on ne doit jamais voir... celui dont les trois soeurs ont dérobé une photo qu'elles observent parfois.
Critique:
Mon avis est assez mitigé quant à ce livre. Les trois soeurs attireront tout de suite la sympathie du lecteur. Elles grandissent dans la bonne humeur générale, mais on voit bien, par des petites réflexions, des événements à l'apparence anodine, des façons de se comporter que quelque chose ne va pas. Il y a la gourmandise de Georgette, la grossièreté de Sibylle qui est comme une carapace, et le fait que Corinne pleure souvent, surtout quand on menace de briser leur équilibre, de les séparer... et bien sûr, il y a cette photo que les filles gardent comme un secret honteux. Tout n'est peut-être pas lié à l'absent. En tout cas, la photo, et la façon instinctive des filles d'agir quant à elle, indique clairement le malaise oppressant qui règne dans la famille. Et le jour où une erreur commise par Georgette fait qu'une discussion serait possible, Anna s'y prend très mal, faisant se refermer ses filles.
Outre l'absence du père, ce qui engendre ce malaise sous-jacent, c'est les non-dits. La famille fait tout de travers. Anna refuse qu'on parle d'Antoine. Le sujet est tabou, ce qui amplifie le désarroi des soeurs.
Ce livre est écrit en un style vif et percutant, d'une plume alerte. Sylvie Testud sait montrer le non-dit par petites touches, le mettre en avant en le «cachant» sous des tonnes de répliques cinglantes, le montrer du doigt en n'en ayant pas l'air. Elle nous raconte cette vie de famille avec brio.
Ce tabou, cette interdiction mise sur le père, fait que le lecteur fait travailler son imagination. J'avais imaginé une histoire banale, mais... je n'avais pas pensé que ça pouvait être aussi bête! Ce que montre la fin est assez stupide. En outre, certains personnages n'avancent pas. Sibylle ne finit pas par une bonne crise de franchise, qui aurait peut-être fait très mal à la famille, mais qui aurait été sûrement mieux que ce qui la ronge insidieusement depuis trente-deux ans. C'est ce que je reproche à ce livre. La fin ne montre aucune évolution. La raison évoquée par Sibylle pour excuser ses mensonges est bancale. J'ai été très déçue par cette fin qui a anéanti tout le bon que j'avais pu penser du livre.
Éditeur: Fayard.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Catherine Jauréguy pour l'association Valentin Haüy.
Ce livre ne doit pas être facile à lire à voix haute. La lectrice s'en est bien sortie. Parfois, elle en fait un tout petit peu trop, mais on sent qu'elle se corrige, et reprend un ton approprié. La plupart du temps, sa lecture est aussi alerte que la plume de l'auteur, on sent qu'elle prend part à ce qu'elle lit, et tente de faire de son mieux. Je lui adresse donc mes félicitations!
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