Note: ma chronique porte sur le roman. Ce dernier fut écrit après la nouvelle.
L'ouvrage:
Des scientifiques ont mis au point une technique pour développer l'intelligence. Après l'avoir testée sur une souris du nom d'Algernon, ils veulent un humain pour cobaye. Aiguillonnés par miss Kinnian, une institutrice qui donne des cours à des adultes attardés, ils choisissent Charlie Gordon. Celui-ci a un QI de 70 et une énorme envie d'apprendre.
Critique:
Ce roman m'a beaucoup plu. Daniel Keyes aborde plusieurs thèmes avec justesse. Par exemple, les conséquences de l'opération faite à Charlie sont nombreuses. Certes, son intelligence croît, mais cela lui fait découvrir certaines réalités qui le blessent. Il s'est tissé un cocon de bien-être où les choses semblaient simples et où il pensait avoir des amis, et il se rend compte que c'est bien plus complexe. Lorsqu'il comprend que ses soi-disant amis se moquent de lui, il en souffre. Seulement, lui-même se montre parfois condescendant envers ceux qui n'ont pas sa capacité à assimiler et à comprendre. L'auteur ne veut pas dire que l'intelligence apporte la méchanceté, car Alice, elle, n'est jamais moqueuse ou injuste.
Quant aux différents docteurs et savants, Charlie leur en veut de ne voir en lui qu'un cobaye témoignant de leur réussite. Il est vrai qu'on aurait pu s'attendre à davantage d'humanité de leur part, mais ils ne sont pas toujours obsédés par leurs résultats. En outre, l'un d'eux invite Charlie à se pencher sur les circonstances, sur la vie du savant qui semble le plus antipathique. Il est quand même vrai que ces hommes manquent d'empathie, et si Charlie est là pour le leur faire remarquer, Algernon, elle, ne le peut pas.
D'autre part, l'opération permet à Charlie de retrouver des souvenirs enfouis dans son inconscient et de les analyser avec ses facultés décuplées. Là encore, il se demandera si c'est une bonne chose, car il connaîtra le comportement de ses parents envers lui. Pour ma part, je n'ai pas compris sa mère. Certes, elle a commencé par refuser de voir la vérité, puis a voulu se débarrasser du problème. Certains la verront peut-être comme perdue, impuissante. Je lui en ai plutôt voulu, car elle aurait, avant tout, dû être une mère.
Par différents biais, Daniel Keyes soulève une question qu'on retrouve dans certains romans de science-fiction: n'est-il pas dangereux de «jouer» avec ce qu'on ne maîtrise pas, en l'occurrence le cerveau?
Remarque annexe:
Je n'ai pas vraiment compris pourquoi une souris femelle avait un prénom masculin. Ou bien, Algernon est-il un prénom mixte?
Éditeur: J'ai Lu.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Bertrand Baumann pour la Bibliothèque Sonore Romande.
Bertrand Baumann fait partie des lecteurs que je retrouve avec plaisir. Sa lecture est fluide et vivante. Pour ce roman, il n'avait pas la partie facile. En effet, au début, le narrateur a un QI de 70, et cela transparaît forcément dans ce qu'il dit (écrit en l'occurrence) et dans sa manière de le dire (l'écrire). Bertrand Baumann a trouvé le juste milieu quant à cette interprétation. À l'entendre, on sent cela, mais il ne le caricature pas. Je le souligne parce que je pense que ce n'est pas facile à faire, d'autant que j'ai essayé de lire ce roman, il y a quelques années, et que le lecteur bénévole qui l'a enregistré (pour une autre bibliothèque sonore) surjouait, à mon avis, caricaturant Charlie lorsqu'il avait un QI de 70. Cela m'a fait poser le roman.
D'autre part, au début es à la fin, Charlie fait beaucoup de fautes d'orthographe. Le lecteur en explique quelques-unes (les plus grosses, les plus récurrentes), mais ne s'arrête pas toutes les cinq secondes pour signaler une faute. Il a su trouver la dose d'informations à donner pour que l'auditeur ait une bonne idée des fautes sans que cela ne gêne la lecture.
Enfin, j'ai déjà râlé parce que je trouvais qu'il prononçait les noms anglophones de manière trop marquée: ici, j'ai trouvé que cela allait. Là aussi, il a trouvé le juste milieu.
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