C'est le coeur qui lâche en dernier

L'ouvrage:
États-Unis. La misère et la criminalité sont de plus en plus présentes. Stan et Charmaine vivent dans leur voiture. Un jour, la jeune femme voit une publicité pour une ville où chaque habitant semble avoir une maison confortable, un bon travail... Le couple décide d'y tenter sa chance.

Critique:
Ce roman m'a beaucoup plu. Bien sûr, on se doute vite que cette ville à l'air paradisiaque recèle quelque chose de bien moins plaisant. L'auteur n'en fait d'ailleurs pas un secret. Si j'ai eu envie de dire aux héros de ne pas se précipiter dans cet endroit, je me suis également demandé ce que je ferais si j'avais le choix entre une vie dans l'indigence et une vie en apparence sympathique, mais totalement surveillée.

Je pense qu'il y a un clin d'oeil au roman «Derrière l'épaule», de Jean-Pierre Andrevon. Outre que certaines façons de faire des dirigeants ressemblent à celles du roman, il est expliqué que Consilience est la descendante d'Harmonie, qui était le nom de la ville du roman d'Andrevon. Margaret Atwood explore le thème différemment. Une fois qu'on a identifié le problème, on tente d'en sortir... ou pas. Charmaine m'a agacée, surtout à cause de ce qu'elle fait lors des «déménagements». (Je le formule ainsi pour en dire le moins possible.) Cependant, on peut y voir une sorte de révolte contre les règles de Consilience.

Plus tard, l'auteur soulève d'autres idées. Par exemple, ses personnages sont en mesure de créer des robots presque plus réalistes que ce qu'ils sont censés imiter. Ah oui, mais la machine dérape, et rien ne se passe comme prévu. C'est un peu la même chose lorsqu'il s'agit d'obliger une femme à aimer le premier homme qu'elle verra après une opération. Sur Véronica, cela réussit très bien, ce qui donne lieu à un événement inattendu. Ces exemples (et d'autres) provoquent le rire. Margaret Atwood montre avec humour ce qu'il en coûte de vouloir imposer quelque chose. Cela m'a rappelé Serge Brussolo qui aime bien explorer les conséquences de la folie de certains hommes abusant de leur pouvoir. Seulement, lui le fait de manière à secouer le lecteur, lui montrant toutes les horreurs qui peuvent découler de cela.

Outre des idées savamment exprimées, l'intrigue fait qu'on ne s'ennuie pas. On découvre un élément, cela nous amène à autre chose, puis à autre chose, etc. La révélation de la toute fin met l'héroïne devant un choix qui lui semble difficile, et là encore, on se demandera ce qu'on ferait à sa place.

Éditeur: Robert Laffont.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Martine Moinat pour la Bibliothèque Sonore Romande.
Comme d'habitude, j'ai été ravie de retrouver cette lectrice dont j'aime beaucoup les interprétations. Cependant, comme souvent (que ce soit elle ou un autre lecteur), je regrette qu'à trop vouloir prononcer certains noms à l'anglophone (ou à vouloir à tout prix ne pas les prononcer à la française), elle en fasse trop. Par exemple, il est expliqué que Consilience est un mot-valise formé de «condamné» et «résilience». Il n'y avait donc pas de raisons particulières de le prononcer à l'anglophone. Pour moi, il aurait été plus naturel que ce soit dit à la française. C'est pareil pour le nom de l'auteur: la lectrice tente de faire un «a» à l'anglophone, mais quel mal y a-t-il à prononcer Atwood avec un «a» à la française?

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