Belle et sombre

L'ouvrage:
La jeune narratrice sort de l'orphelinat pour être recueillie par sa tante et sa grand-mère. Elle nous conte une période de sa vie, dans un quartier mal famé, entourée de divers personnages.

Critique:
Étant une adepte de Rosa Montero, je me suis jetée sur ce roman. Même si ce n'est pas mon préféré, j'ai retrouvé avec plaisir ses petites phrases si poétiques, si percutantes. Elles sont surtout présentes à la fin, elles sont moins disséminées et moins nombreuses que dans ses autres romans.

Rosa Montero nimbe son histoire et ses personnages de mystères par plusieurs procédés. D'abord, elle raconte les faits du point de vue de la fillette, et celle-ci n'a pas toujours toutes les données en main.
D'autre part, elle évoque certains personnages à travers le prisme de ses émotions, et elle les magnifie. Sans oublier qu'elle est bercée par les légendes racontées par Airelai.
Par ailleurs, l'auteur ne dit pas où se passe l'action. On sait juste que les personnages évoluent dans un quartier mal fréquenté, et habitent dans une pension de famille. Cela permet, en plus d'accentuer le flou, de s'identifier plus facilement aux protagonistes. Ne sachant pas où cela se passe, on peut imaginer que les événement ont lieu dans sa ville. Bien sûr, les personnages ont des noms à consonance espagnole, mais Barbara et Amanda sont des prénoms qu'on retrouve dans plusieurs nationalités.
Il y a enfin le mystère qui enveloppe cette famille, et qui court tout au long du roman. Par petites touches, l'auteur en élucide des bribes. Le lecteur s'agace un peu de ne pas tout comprendre, et petit à petit, il finit par tout savoir.

Paradoxalement, l'auteur dit à son lecteur, dès le tout début, ce qui s'est passé concernant l'un des personnages. On ne sait pas comment, mais on sait tout de suite que quelqu'un a fait quelque chose. Cela ne m'a pas vraiment gâché le plaisir de la lecture, mais j'ai souvent tenté de prendre la résolution de l'histoire de vitesse en devinant comment ce qui nous est révélé au début est possible. J'ai échoué. Pourtant, au bout d'un moment, nous avons assez d'indices pour y penser.

Rosa Montero navigue entre deux mondes. Il y a d'abord celui qu'Airelai, personnage très charismatique, créé autour des enfants. C'est un monde de légendes, de magie, un monde où les histoires, en formes de contes semblent osciller entre rêve et réalité, et prônent l'ouverture d'esprit, la sagesse, la tolérance (voir l'histoire de la grâce). Mais c'est aussi un monde où les superstitions et la cruauté vont bon train (voir l'histoire de la déesse et celle de la baleine).
Airelai semble avoir beaucoup voyagé, avoir expérimenté différentes cultures. De plus, à l'instar des deux enfants, elle semble avoir besoin de s'immerger dans ce monde sublimé, afin de supporter certaines choses. La façon dont elle tourne son nanisme à son avantage est assez intéressante.
Malgré cela, je n'ai pas réussi à m'attacher à elle. Peut-être à cause de ce que dit la narratrice, au début, ou peut-être parce qu'elle était trop facile à apprécier... Elle arrive, et charme tout le monde. Elle m'a plutôt agacée.

D'un autre côté, les personnages font face à la réalité de leur condition. Ces deux mondes, radicalement opposés, sont un contraste saisissant. Cela m'a rappelé «Le territoire des barbares» où l'héroïne doit faire avec une terrible réalité, et s'immerge dans le monde de la chevalerie pour écrire un livre.
Mais même dans cette réalité, l'auteur flirte avec la magie. En effet, que dire lorsque la grand-mère s'étiole tant moralement... que physiquement?

Après les histoires d'Airelai, une autre loufoquerie vient des chats que recueille la grand-mère. La façon dont tout est raconté fait penser à un conte, un rêve, un moment hors du temps grâce auquel les personnages s'extraient de la tension qui les entoure. D'ailleurs, la narratrice raconte qu'elle va dans la pièce aux chats pour trouver paix et sérénité.

Les personnages sont attachants parce que complexes.
Amanda est parfois agaçante: on dirait qu'elle est résignée, voire qu'elle appelle la souffrance. En outre, elle semble parfois manquer de personnalité. Cependant, elle est douce et compréhensive envers les enfants.
Quant à Segundo et Maximo, ils sont plus complexes que ce qu'on pourrait croire au premier abord.
Les enfants sont attachants et réalistes.

Un livre plaisant, qui fait réfléchir, rêver, espérer, s'attendrir...

La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par mon mari.
Ce livre m'a été offert par les éditions Métailié dans le cadre de l'opération Masse-critique, organisée par Babelio.
Pour ceux qu'une version audio intéresse, il en existe une enregistrée pour la Bibliothèque Sonore Romande.

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