L'ouvrage:
Mickie Katz est décoratrice. Elle sort d'une sale histoire. Elle a fait de la prison, et le fait que le vol dont on l'a accusée n'ait jamais été prouvé ne pèse pas dans la balance: sa réputation est faite. Elle se voit contrainte d'accepter n'importe quel travail.
C'est ainsi qu'elle se retrouve à oeuvrer pour l'Agence 13, une agence immobilière un peu particulière. Elle doit, en quelque sorte, redorer le blason de maisons dans lesquelles des crimes ont eu lieu.
Pour sa première mission, Mickie devra décorer un bunker. Elle doit faire en sorte qu'on s'y sente tellement bien qu'on n'aura pas envie d'en sortir pendant cinquante-six ans. Le milliardaire qui a acquis ce bunker, dans lequel un test tourna au carnage, bien des années auparavant, craint un cataclysme, et prétend se protéger, ainsi que sa famille, grâce à ce bunker.
Critique:
Dans ce roman, l'auteur sait se renouveler tout en gardant certaines ficelles qui, utilisées autrement, surprennent le lecteur. Je n'ai rien deviné. J'ai soupçonné certaines choses: par exemple, l'un des personnages ne me semblait pas franc, mais je n'ai rien trouvé quant au reste. L'auteur m'a menée par le bout du nez.
À un moment, Mickie découvre même, avec sa seule intuition (c'est le cas de le dire), quelque chose que j'aurais dû savoir.
Il y a, malgré tout, quelques temps morts. Parfois, l'auteur s'appesantit sur certaines hypothèses de Mickie, et c'est un peu lent. Je n'aime pas cette ficelle qui consiste à échafauder une théorie sur l'identité du coupable, puis, après qu'un événement a prouvé que cette théorie était caduque, en construire une autre. À la longue, cela tourne au remplissage. Ici, c'est un peu agaçant, mais moins que dans d'autres romans de Brussolo. Par exemple, dans «Le château des poisons», c'est franchement exaspérant! Certains auteurs ne bâtissent leurs écrits que sur ce genre de ficelles, me dira-t-on. Oui, mais je ne lis plus ces auteurs depuis longtemps justement à cause de ça.
Malgré ce désagrément, l'auteur fait ce qui m'a ravie dans nombre de ses romans: il pose un problème, le résout, créant par là un autre problème, etc. L'histoire n'est pas construite de manière simpliste. Les intrigues se croisent, les rebondissements sont au rendez-vous, et quand on croit que l'auteur a laissé une ou deux choses au hasard, il les explique là où on ne les attendait plus. (Je pense notamment à l'ultime découverte de Mickie.)
L'une des innovations de Brussolo, dans ce roman, est qu'il est écrit à la première personne. Je n'ai pas lu toute la production de l'auteur, mais il me semble n'avoir jamais lu un roman de lui écrit à la première personne. De ce fait, le style m'a semblé un peu différent, moins cru, plus posé, plus policé. En outre, l'auteur, me semble-t-il, manie ici l'humour bien plus que dans ses autres romans. Deux phrases m'ont particulièrement marquée (mais il y a d'autres exemples à travers le roman), les deux étant de Mickie à propos d'elle-même: «J'étais aussi naïve qu'un morceau de gruyère sous cellophane.» Et l'autre (en substances): «Je me sentais comme une carotte moisie au fond du bac à légumes.»
Certains personnages sont plus attachants que le sont habituellement les personnages de Brussolo. Bien sûr, le lecteur prend fait et cause pour Mickie, comme souvent, lorsqu'il s'agit des personnages principaux créés par l'auteur, d'autant plus qu'elle ne fait pas partie des héros mous.
Sarah Jane est également attachante parce qu'elle est prise entre deux feux: on lui bourre le crâne, mais elle réfléchit, tente de se désengluer du destin qu'on lui promet.
Quant à Evita, elle aussi est complexe. Le lecteur ne peut ni réellement l'apprécier ni la trouver totalement antipathique.
Les parents de Sarah Jane représentent un thème récurrent chez Brussolo, et à chaque fois, très bien exploité: la folie et le fanatisme.
Note: J'ai lu ce roman dans le cadre du challenge Serge Brussolo organisé par Bambi Slaughter.
Éditeur: Fleuve Noir.
La version audio que j'ai entendue a été enregistrée par Bernard Delannoy pour la Bibliothèque Sonore Romande.
J'aime la façon de lire de Bernard Delannoy. En général, il a une lecture calme, agréable, sobre. Ici, j'ai trouvé qu'il lisait encore mieux que d'habitude. Il m'a semblé que son intonation était encore meilleure qu'avant (et elle était déjà très bonne).
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