jeudi, 19 mars 2015

*État des lieux de l'audiodescription en France, partie 4.

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Voici la quatrième et dernière partie de mon article sur l'audiodescription en France. La première partie est ici, la deuxième partie est ici, et la troisième partie est ici.

Davantage de diversité pour l'audiodescription:
Ce procédé m'ayant réconciliée avec les films (j'avais cessé d'en voir depuis de nombreuses années), je souhaite qu'il se généralise et devienne incontournable, et que la quantité n'empêche pas la qualité. Depuis peu, on avance dans le bon sens, car il existe de plus en plus de programmes audiodécrits. Il y en a encore trop peu à mon goût.Si je voudrais davantage de films, je rêve également de séries étrangères. Il y en a, mais vraiment très peu. Certes, les choses s'améliorent. Peut-être pourraient-elles s'améliorer davantage...

Une seule suffit:
Pourquoi réaliser une audiodescription lorsqu'il en existe déjà une, surtout si elle est de qualité? J'ai parlé de ce qui est arrivé pour «Les aventures de Rabbi Jacob», mais c'est loin d'être le seul exemple. Je pourrais également mentionner le film «Le petit Nicolas», de Laurent Tirard, qui a eu droit à trois audiodescriptions: une pour le cinéma, une pour le DVD, une pour la diffusion télévisée. Entre questions de droits, histoires de gros sous, et mauvaise volonté... Si j'ai bien compris, ce genre de choses tendrait à disparaître, du moins pour les programmes audiodécrits en amont.

Anciens programmes:
Apparemment, maintenant, on s'attache à audiodécrire beaucoup de nouveaux programmes. C'est une bonne chose. Oui, mais qu'en est-il d'anciens films et séries? Ne va-t-on plus audiodécrire que ce qui est nouveau? Avant, l'AVH audiodécrivait certains films plus anciens. Ils ont fait des Alfred Hitchcock, ou des films comme «Le péril jeune» (de Cédric Klapisch), «Cuisine et dépendances» (de Philippe Muyl), «Cinq jours ce printemps-là» (de Fred Zinnemann), et tant d'autres! Je trouvais très bien qu'ils fassent un peu de tout et touchent un peu à toutes les époques. Maintenant qu'on audiodécrit le plus de nouveautés possible, va-t-on se préoccuper de ce qui est moins récent? Certaines chaînes font audiodécrire d'anciens films en vue d'une diffusion télévisée, mais cela n'est pas systématique. Outre le fait qu'on n'a pas forcément envie de ne voir que les nouveaux programmes, on se retrouve avec certains anachronismes. Par exemple, le film «Casse-tête chinois», de Cédric Klapisch, a été audiodécrit, parce qu'il est sorti à une période où cela tendait à se généraliser. Certes, mais ce film est le troisième volet d'une série dont les deux premiers films n'existent pas, à ma connaissance, en audiodescription.
Par ailleurs, il y aurait le cas de figure où l'audiodescription existe, mais n'est pas utilisée... pour diverses raisons obscures. Je suppose qu'il y a des questions de droits... Je sais, par exemple, que «La liste de Schindler» (de Steven Spielberg) et «La folie des grandeurs» (de Gérard Oury) ont été audiodécrits, mais qu'apparemment, l'audiodescription ne peut être diffusée... Existerait-il beaucoup d'autres films dans ce cas?

Les cinémas:
Certains cinémas sont équipés pour diffuser des films en audiodescription. Seulement, la proposition n'est pas la même partout. Dans ma ville (métropole de plus de 750000 habitants), on ne trouve aucune information ayant trait à l'audiodescription sur le site du Gaumont. J'en déduis donc que le Gaumont ne passe pas de films en audiodescription. Le site du Méga CGR (le Français) indique que certaines séances sont en audiodescription, mais impossible de savoir lesquelles. Seul, l'UGC fait bien les choses: leur site indique quels sont les films en audiodescription, et elle est proposée à chaque séance.
Les cinémas équipés distribuent des casques à ceux qui souhaitent bénéficier de l'audiodescription. L'idée est logique: si certains veulent l'entendre, d'autres ne le souhaitent pas. Donc, on ne la diffuse pas dans toute la salle, mais uniquement dans les casques. Personnellement, je n'aime pas l'idée d'avoir un casque sur les oreilles au cinéma. Même s'il m'est facile d'entendre les bruits ambiants malgré un casque (il me serait donc aisé d'échanger avec la personne qui m'accompagnerait), je n'aime pas l'idée. Il n'y a pourtant pas d'autres solutions afin que tout le monde puisse voir le film dans la même salle.

Quand on doit jouer aux devinettes:
Un autre problème vient du fait que les programmes en audiodescription diffusés à la télé ne sont pas toujours signalés. M'étant abonnée à Canal Plus uniquement pour les films en audiodescription, j'ai récemment constaté que certains films n'étaient pas signalés comme étant audiodécrits (que ce soit sur les programmes télé ou sur le magazine de Canal Plus), alors qu'ils l'étaient. C'est regrettable. En effet, on ne peut ni deviner ni s'amuser à regarder le début de tous les films qui nous intéressent pour savoir s'ils sont audiodécrits ou non.
Les programmes audiodécrits d'Arte ne sont pas non plus tous signalés sur les programmes télé. Cependant, ils le sont sur le site de la chaîne.

Problème inverse:
On rencontre malheureusement le cas où l'audiodescription est signalée, mais ne peut être entendue, soit parce que la chaîne ne la diffuse pas, soit parce que l'opérateur TV n'a pas fait en sorte qu'elle soit accessible. Cela a été le cas avec certaines chaînes de France Télévision sur Numéricable. Le problème a été réglé (du moins dans mon coin), mais il a fallu écrire entre autres au CSA...
Je ne sais pas si on rencontre le même problème sur Disney Ciné Magic ou si des programmes sont signalés, mais non-diffusés en audiodescription. En tout cas, les épisodes de la série animée «Aladdin» ainsi que le film d'animation sont déclarés diffusés en audiodescription, et il m'a été impossible de trouver la piste. Une personne voyante (habitant dans une autre ville, et n'ayant pas le même opérateur que moi) a essayé chez elle: elle n'a pas obtenu plus de résultats.

J'ai rencontré un problème similaire avec le DVD de «La folie des grandeurs». Il était précisé qu'il y avait une piste audiodescription, information qui m'avait été confirmée par la responsable marketting de l'éditeur. Or, cette piste est restée introuvable...

Diffusions chaotiques:
Il existe aussi le cas où l'audiodescription s'arrête en milieu de film, ou bien celui où elle commence sur un canal pour se poursuivre sur un autre... Cela est arrivé sur France 2 en décembre 2014.

Quand les logos s'emmêlent:
Certains programmes télé en ligne mettent les logos «audiodescription» (un oeil barré ou bien «ad)))») alors que le programme est uniquement sous-titré pour les sourds. J'ai écrit à deux d'entre eux afin de leur signaler l'erreur. Malgré une réponse positive de l'un d'entre-eux, rien n'a changé...
À noter que Télérama fait sérieusement les choses en utilisant toujours correctement le logo audiodescription.

Recenser les programmes audiodécrits:
Si certains groupes recensent les films qu'ils ont audiodécrits, ils sont peu nombreux. À ma connaissance, l'AVH (tant sur son site que sur celui de l'Association Française d'Audiodescription) et En aparté le font, mais leurs listes ne sont pas exhaustives. Il serait bon que tout soit centralisé, et qu'à chaque fois qu'un programme en audiodescription apparaît, il soit référencé ainsi que les audiodescripteurs qui s'en sont chargés. Je sais qu'une personne tente de faire cela sur le site Lumière de nuit, mais les informations dispensées sont des recoupements que cette personne fait, de manière bénévole, entre ce qu'elle trouve sur des sites de vente et ce que des particuliers lui disent. Donc, il n'y a pas les informations relatives à l'audiodescription, on sait juste que le film a été audiodécrit. D'autre part, cette personne pourrait en avoir assez d'accomplir un tel travail et s'arrêter du jour au lendemain. Il faudrait donc que cela soit fait par des professionnels à qui l'information est facilement et rapidement accessible, ou bien, que le webmaster du site Lumière de nuit bénéficie de l'aide de ce genre de personnes, comme c'est le cas pour le webmaster du site Doublage Séries Database. En effet, ce site recense les castings VF de toutes les séries étrangères. Le webmaster fait cela bénévolement, mais il est régulièrement renseigné par certains comédiens et directeurs de plateaux.

Les voyants et l'audiodescription:
Quand j'ai commencé à regarder des films en audiodescription, j'ai pensé qu'il ne serait pas vraiment sympathique d'imposer cela à des personnes qui voient. Or, certains ont bien voulu tenter l'expérience, et à chaque fois, m'ont dit que l'audiodescription ne les gênait pas du tout. Mon mari m'a même dit qu'une ou deux fois, elle lui avait fait remarquer des choses qu'il n'aurait pas forcément enregistrées en les voyant.
D'autre part, j'ai lu le témoignage d'une personne qui, un jour, avait (sans le vouloir) activé l'audiodescription sur son téléviseur. Elle se demandait pourquoi les actions étaient décrites. Après avoir compris, puis désactivé l'audiodescription, elle s'est aperçue qu'elle avait préféré la première partie du film grâce à l'audiodescription.

Une formation:
En novembre 2014, l'INA, en partenariat avec Retour d'image, a proposé une formation à l'audiodescription. Je n'ai pu y assister, n'habitant pas Paris, mais quelqu'un m'en a parlé. Selon cette personne, c'était très instructif sur bien des points. Étant très intéressée par les rouages de l'audiodescription, je suis un peu frustrée de n'avoir pu bénéficier de cette formation. Apparemment, elle permettrait de faire de la relecture d'audiodescriptions, ce qui m'intéresserait énormément. Cependant, il semblerait que certains laboratoires ne voient pas l'intérêt de faire relire les audiodescriptions par un aveugle. Il est vrai qu'un aveugle ne pourra pas dire: «Ah, vous dites que la chemise est bleue, alors qu'elle est rouge.», mais il pourra signaler les ambiguïtés. Par exemple, lorsque l'audiodescription dit: «Elle s'avance.», et qu'il y a trois filles dans la pièce, si les dialogues ne nous permettent pas de savoir qui est celle qui s'avance, cela peut être gênant.
D'autre part, certains audiodescripteurs parlent de «la caméra». Or, je trouve cela plutôt parasite. Au lieu de dire «La caméra suit Machin qui marche dans une rue.», pourquoi ne pas dire «Machin marche dans une rue»? C'est ce genre de choses qu'une personne qui voit aura peut-être du mal à cerner, et qui serait sûrement détecté si un aveugle relisait l'audiodescription.

À suivre.
Depuis quelques semaines, je note plus précisément ce que j'appelle les «malfaçons»: le genre d'erreurs comme les ambiguïtés, les allusions à la caméra, les mots dits à la place d'autres, les erreurs de syntaxe... Dans quelques temps, je ferai un autre article en donnant quelques exemples.

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jeudi, 12 mars 2015

*État des lieux de l'audiodescription en France, partie 3.

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Voici la troisième partie de mon article sur l'audiodescription en France. La première partie est ici, et la deuxième partie est ici.

Les voix:
Je ne parlerai que des voix que j'ai entendues sur plus d'un programme.
Avant de regarder un film, je tiens toujours à savoir qui a fait l'audiodescription. J'irai plus volontiers vers certaines voix pour diverses raisons. Certains comédiens savent adopter le ton approprié à l'ambiance du film. Bien sûr, il ne s'agit pas d'en faire trop. Il faut garder une certaine distance. Cependant, l'intonation doit être propice afin que l'audiodescription fasse corps avec le film.

Les plus réguliers:
J'apprécie particulièrement les personnes formées par les précurseurs de l'audiodescription en France, car leur intonation est toujours appropriée. En écrivant cela, je réalise que je n'ai entendu Marie Gaumy que dans des programmes «sérieux», et donc, je me demande ce que donnerait sa voix basse et calme sur un programme humoristique. Parmi ceux qui écrivent et disent les textes, j'apprécie beaucoup Marie-Luce Plumauzille, Frédéric Gonant, Laurent Mantel, Jean-Yves Simoneau (qui, je suppose, a arrêté puisqu'on ne l'entend plus), Caroline Massé (qui travaille plutôt pour En aparté)... Outre une écriture juste, ils trouvent toujours l'intonation adéquate, ne cabotinent jamais, quelle que soit l'ambiance de ce qu'ils audiodécrivent.
J'ai constaté qu'on entendait moins Marie-Luce Plumauzille dans les nouvelles productions de l'AVH. Bien sûr, je ne regarde pas tous les films dont se charge l'AVH, donc je peux avoir manqué ceux où elle audiodécrit. J'espère l'entendre à nouveau...

J'ai mis un peu de temps à m'habituer à certaines voix comme celles de Maryvonne Simoneau (qui, je suppose, a arrêté puisqu'on ne l'entend plus), Séverine Skierski, Dune Cherville, Gérard Chevallier-Appert, et Agnès Sterjacob (cette dernière enregistre les audiodescriptions de certains programmes d'Arte, ainsi que celles de quelques programmes d'autres chaînes de France Télévision). Cependant, étant donné qu'ils font très bien leur travail, je les ai vite appréciés, et j'ai également beaucoup de plaisir à les retrouver.
J'apprécie également Marie Fiore, même si je la trouve parfois un peu neutre dans sa façon de dire certains textes.
J'ai un peu de mal à me faire à l'intonation de Laure Morisset. C'est peut-être une fausse idée, mais je ne la trouve pas toujours à l'aise. J'ai la sensation qu'elle garde un peu trop de distance, sauf lorsque ce qu'elle audiodécrit est grave ou triste. Ma gêne la concernant n'est cependant pas rédhibitoire, loin de là.

Je ne me fais pas à la voix d'Anne Ferrier. Cette comédienne fait beaucoup de publicités ainsi que des bandes annonces, et je suppose qu'elle est imprégnée d'une certaine façon de jouer. Personnellement, je n'aime pas l'intonation qu'elle prend. Je la trouve affectée. Apparemment, elle n'enregistre plus pour l'AVH depuis peu.
Enfin, il y a certaines voix auxquelles je ne m'habituerai jamais, les trouvant à la fois monotones et affectées. Si je les entends au début d'un film que je souhaite voir, il m'arrive de choisir de ne pas le regarder.

Les comédiens qu'on entend de plus en plus:
Parmi les comédiens enregistrant pour Dubbing Brothers, Médiadub International, Titra TVS, et Eclair Group, il me plaît d'en entendre certains que je connais et apprécie depuis très longtemps en tant que comédiens de doublage. Je les trouve extrêmement talentueux, et pour moi, ce sont de grandes voix. Il va donc de soi que je suis ravie de les entendre dire le texte de certaines audiodescriptions. Il s'agit de: Véronique Augereau, Natacha Muller, Georges Caudron, Guillaume Orsat, Jean-Louis Faure...
Ensuite, j'ai retrouvé certaines voix que je connais moins bien, et que je suis contente de redécouvrir dans cet exercice: Jean-Pierre Michael, Cathy Diraison, Damien Cochereau, Dominique Lelong, Zoé Bétan... Tous ces comédiens font du travail de qualité. Parfois, certains sont peut-être un peu trop neutres, mais ils ne tombent jamais dans la monotonie.
On entend aussi Rafaèle Moutier. Au début, j'étais sceptique, car je la trouve affectée lorsqu'elle fait du doublage. J'ai été agréablement surprise lorsque je l'ai entendue dire une audiodescription. Elle n'est ni affectée ni trop neutre. Maintenant, je la retrouve avec plaisir sur les audiodescriptions.
J'ai découvert Morgan Renaud par l'audiodescription. Au début, je trouvais qu'il était beaucoup trop neutre. Je me souviens notamment de sa prestation dans «Moi, moche et méchant 2», de Chris Renaud et Pierre Coffin qui m'avait déplu à cause de cela. J'ai d'ailleurs fait écouter des extraits de ce film et du premier (audiodécrit par l'AVH avec les voix de Gérard Chevallier-Appert et Anne Ferrier) à des voyants. Certains ont préféré les voix du premier film (avec une petite réserve quant à Anne Ferrier), trouvant comme moi que Morgan Renaud avait l'air de «faire la tête», voire de s'ennuyer. Une des personnes m'a dit comprendre le parti pris de cette sobriété. Certes, il se défend, mais à mon avis (et je crois ne pas être la seule à penser ainsi), il n'est pas de mise pour un film de ce genre. Par la suite, j'ai entendu d'autres audiodescriptions dites par Morgan Renaud, et il m'a semblé qu'il était un peu moins neutre.

Une bonne trouvaille:
Pour donner un exemple d'initiative heureuse (à mon avis), j'évoquerai «Attention, une femme peut en cacher une autre», de Georges Lautner. Vers la fin, Vincent joue au foot avec les enfants. Laurent Mantel a choisi d'audiodécrire la partie en prenant une intonation de commentateur sportif. Bien sûr, il ne hurle pas hystériquement. Pour moi, il a eu raison de faire cela, car l'ambiance de la scène s'y prête. L'ayant entendue décrite ainsi, je ne l'imagine pas du tout décrite autrement: elle y perdrait.

Audiodécrire seul ou à deux?
On conseille d'écrire et d'enregistrer le texte à deux. Les arguments qui justifient cela me semblent pertinents, surtout en ce qui concerne l'écriture. En effet, se relire, relire l'autre, croiser le tout, avoir deux regards, permet d'éviter les erreurs de syntaxe, d'accentuer les précisions, etc, mais aussi de confronter deux points de vue quant à une image. Dans une interview, Laure Morisset explique que dans une galerie de portraits, elle voyait un homme, alors que Frédéric Gonant voyait une femme.
Quant à l'enregistrement de la bande son à deux voix, il est préférable pour les changements de scènes, de lieux, surtout lorsque ceux-ci alternent très rapidement (je pense surtout à des débuts et à des fins de films). Pour ma part, je ne suis pas particulièrement gênée lorsqu'il n'y a qu'une voix, mais il est vrai que deux voix facilitent la compréhension et rendent le tout plus «propre».
À noter que rien n'est figé, puisque les laboratoires préférant l'enregistrement à deux voix (l'AVH et En aparté) l'ont mis de côté pour quelques programmes.

Suite et fin de l'article la semaine prochaine.

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jeudi, 5 mars 2015

*État des lieux de l'audiodescription en France, partie 2.

Logo AD Voici la deuxième partie de mon article sur l'audiodescription en France. La première partie est ici.

Sous-titres:
Les sous-titres sont enregistrés. On les entend en même temps que les paroles prononcées par les personnages, comme du voiceover. Lorsque l'audiodescription est enregistrée par un seul comédien, on trouve plusieurs cas de figure. J'ai entendu des films où le comédien lisait indifféremment les paroles des hommes et des femmes. J'ai trouvé cela fastidieux à entendre. On trouve davantage de films où une ou deux voix s'ajoutent à celle de l'audiodescripteur pour les sous-titres.
Lorsque l'audiodescription est enregistrée à deux voix, l'homme se charge des personnages masculins et la femme des personnages féminins. Pour certains films audiodécrits par l'AVH, lorsque deux hommes parlent, une autre voix (généralement celle de Patrick Saonit, qui, par le passé, a enregistré certaines audiodescriptions) s'ajoute à celle de l'audiodescripteur. Je trouve cela judicieux. Pour moi, il est laborieux d'entendre des sous-titres. J'approuve donc les initiatives qui facilitent l'écoute.
En général, il n'y a pas beaucoup de sous-titres, et si cela ne me plaît pas trop, leur brièveté et le fait que plusieurs voix s'en chargent me rendent le tout aussi agréable que le reste de l'audiodescription. Cependant, il existe le cas où l'intégralité du film est sous-titrée. Cela doit être rare. Pour ma part, je ne l'ai rencontré qu'une fois pour l'instant. Il s'agissait du film «Hors-la-loi», de Rachid Bouchareb, audiodécrit par En aparté. Le réalisateur a souhaité que les dialogues soient en arabe sous-titrés en français. Les audiodescripteurs ont pris le parti suivant: Frédéric Gonant se chargeait de la lecture des sous-titres, et Laure Morisset lisait l'audiodescription. Peut-être ont-ils pensé que le spectateur serait embrouillé si Frédéric Gonant avait lu les paroles des personnages masculins, si Laure Morisset avait lu celles des personnages féminin, et si chacun avait lu une partie de l'audiodescription (selon les changements de scènes, comme ils le font habituellement). je ne sais pas si j'aurais préféré qu'ils opèrent ainsi. Je n'ai pas pu regarder le film en entier, mais selon moi, ni le talent des comédiens ni le choix de lecture qu'ils ont fait n'est à remettre en cause. Peut-être certains voyants ne comprenant pas l'arabe ont-ils été arrêtés par le fait qu'ils devaient lire les sous-titres tout au long du film. Si je connais des gens que cela ne dérange pas, j'en connais qui ne veulent pas en entendre parler, et ne regardent que des programmes en version française à cause des sous-titres. Je pense que le souci revient au même pour une personne qui doit entendre tous les dialogues d'un film dits par un ou deux comédiens par-dessus les répliques initiales.

Doublage:
Seules les audiodescriptions réalisées par Dubbing Brothers et Médiadub International (quand elles ne sont pas écrites par Laurent Lavige) indiquent les voix françaises (lorsque le film est étranger, bien entendu). Médiadub International pousse même la précision jusqu'à dire quelle voix française tient quel rôle, ce que j'apprécie particulièrement. Je trouve important que les voix françaises soient signalées, d'autant qu'une personne aveugle s'attachera rarement à l'acteur étranger, mais à la voix française qui représente le personnage joué par cet acteur. Je me demande si Dubbing Brothers et Médiadub International sont également les seules sociétés à afficher les noms des comédiens de doublage à l'écran. Si c'est le cas, il est logique que les autres boîtes ne donnent pas les noms des comédiens de doublage. Cependant, si les noms s'affichent à l'écran et qu'ils ne sont pas pris en compte dans l'audiodescription, c'est dommage.

Qualité et quantité:
Avec l'expansion de l'audiodescription, et donc le nombre croissant de personnes se mêlant d'en faire, certains ont eu peur que la qualité ne soit pas toujours au rendez-vous. Pour moi, leurs craintes sont fondées. Ne s'improvise pas audiodescripteur qui veut. Il ne suffit pas de dire: «Elle ouvre la porte.» Outre un vocabulaire riche et précis, un texte exempt d'erreurs de syntaxe, ainsi qu'une audiodescription qui donne les informations nécessaires, il ne faut pas oublier l'ambiance du film. Le vocabulaire utilisé devra coller à cette ambiance générale, mais aussi, à certains moments, à l'atmosphère d'une scène en particulier. Par exemple, dans le film «Rock the casbah», de Laïla Marrakchi, lors d'une scène, le mot «zinzins», et non le mot «folles», a été choisi. C'est, à mon avis, judicieux, car la scène se prête à un tel mot qui sera, dans ce contexte, plus percutant, faisant tout de suite naître l'image suggérée. C'est d'ailleurs sûrement le mot qu'aurait choisi le personnage s'il l'avait prononcé. C'est un exemple parmi tant d'autres.
Je pense que l'ambiance d'un film est parfois «oubliée» par les audiodescripteurs, et que les mots choisis ne vont pas toujours avec. Je me souviens que la version de «Les aventures de Rabbi Jacob» produite pour France Télévision m'avait bien moins fait rire que celle effectuée pour le DVD.

Quand l'audiodescription n'est pas à remettre en cause:
Il y a des cas où l'audiodescription est de qualité, mais où il est difficile de faire naître l'image dans la tête du spectateur. Je me souviens avoir eu beaucoup de mal à me représenter le fonctionnement des deux mondes du film «Upside down», de Juan Solanas, (audiodécrit par Titra TVS), alors que l'audiodescription explique très bien, à chaque fois, comment sont les choses selon le monde dans lequel on évolue.
Je pense aussi au film «Jurassic Park», de Steven Spielberg, audiodécrit par l'AVH. L'audiodescription est bien faite, mais il m'a été difficile (peut-être est-ce le cas d'autres personnes) de me représenter les différents dinosaures. En outre, certaines images (par exemple, les paysages de ce film) auront beau être décrites le mieux possible, elles ne prendront pas facilement corps dans la tête du spectateur qui n'a jamais vu.

Quelques références:
Pour plus de précisions concernant la qualité et les principes à respecter, vous pouvez lire ou écouter la charte de l'audiodescription rédigée et enregistrée par Frédéric Gonant et Laure Morisset. Pour moi, cette charte n'est pas un carcan, mais un fil conducteur. Ce n'est pas vraiment le point de vue de Jean-Marc Plumauzille (qui écrit, depuis vingt ans, des audiodescriptions pour l'AVH, et dont j'ai entendu la voix sur un seul film), qui s'en explique ici. Je comprends qu'il préconise de ne pas s'enfermer dans quelque chose qui, à force d'être suivi à la lettre, pourrait donner un travail qui n'aurait pas d'âme, mais je pense que certains ont besoin d'un fil conducteur plus poussé que les quatre «règles» qu'il énonce. Et si je partage son point de vue quant à la latitude que l'audiodescripteur doit savoir se donner, je pense que si lui en est capable, d'autres ne le sont pas forcément.
Un texte moins officiel que la charte, mais tendant également au respect de l'oeuvre et du spectateur, a été publié sur le site de l'Association Française d'Audiodescription, rédigé par Marie-Luce Plumauzille et Laurent Mantel.

Suite de l'article la semaine prochaine.

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jeudi, 26 février 2015

*État des lieux de l'audiodescription en France, partie 1.

Logo AD Pour une fois, je ne vais pas parler littérature. J'aborde ici un autre sujet: l'audiodescription.

Préambule:
Cet article a été écrit à partir de mes observations, de mon expérience. Il sera forcément subjectif, puisque je donne mon avis. Il contiendra des questions et sûrement des inexactitudes. Elles pourront être corrigées dans les commentaires par ceux qui le souhaitent. En outre, je ne parlerai que de ce que je connais, donc principalement des films. D'autre part, pour faciliter la lecture, il sera découpé en quatre parties qui paraîtront le jeudi.

Histoire:
Je ne ferai pas l'historique de l'audiodescription, car l'article de Wikipédia le fait très bien. Je rappellerai seulement que les précurseurs de l'audiodescription en France, ceux qui y ont été formés aux États-Unis sont Maryvonne Simoneau, Jean-Yves Simoneau, et Marie-Luce Plumauzille.

Qui audiodécrit aujourd'hui?
Depuis quelques années, on s'attache à audiodécrire davantage de programmes (télévisuels et cinématographiques). Cela entraîne davantage de demandes, et donc davantage d'«acteurs» de l'audiodescription. On trouve donc plusieurs façons de procéder.
Il y a d'abord le cas où les audiodescripteurs se chargent du travail de bout en bout: écriture, relecture, enregistrement. C'est le cas (par exemple) de l'AVH (l'Association Valentin Haüy) et de En aparté. C'est également le cas de Laurent Lavige, qui, apparemment, a plusieurs cordes à son arc et qui, il y a quelques années, a ajouté celle d'audiodescripteur. Parfois, le texte n'est pas écrit et dit par les mêmes personnes, mais tout se fait par des gens qui, normalement, ont été formés à ce métier.
Certaines structures (comme Médiadub International, Dubbing Brothers, Titra TVS, ou Eclair Group) confient l'écriture du texte à des personnes (j'imagine que c'est en interne), puis font enregistrer le texte par des comédiens.
France Télévision, pour sa part, fait audiodécrire certains programmes par une structure créée en interne: MFP (Multimédia France Productions). Là encore, des personnes écrivent puis des comédiens enregistrent le texte.
On trouve des personnes (comme Laurent Mantel, Aurore Bonjour, Caroline Massé, Marie Fiore, Sylvie Barriol, Patricia Bardon, etc) qui écrivent et disent certains textes, en disent certains écrits par d'autres, en écrivent certains qui seront dits par d'autres pour MFP, Eclair Group, En aparté, ou Médiadub International... Laurent Mantel, par exemple, audiodécrit (de bout en bout) pour l'AVH, et enregistre certains textes pour Eclair Group.
L'AVH a également écrit des audiodescriptions pour la TSR (télévision suisse romande).
Avant, l'AVH se chargeait de la totalité des programmes audiodécrits diffusés par Arte. Maintenant, certaines audiodescriptions d'Arte sont faites par MFP.
Bref, on trouve beaucoup de cas de figures différents, et on s'y perd un peu, parfois.

Le texte:
Au début, je préférais le travail fait par l'AVH et En aparté, mais après avoir vu plusieurs films audiodécrits (plus de trois-cents), je pense que les audiodescriptions réalisées pour Dubbing Brothers, Titra TVS, et Médiadub International sont également de qualité. Cela dépend des personnes ayant écrit le texte. Par exemple, après avoir comparé[1] la version de «Les aventures de Rabbi Jacob», de Gérard Oury écrite et dite par Frédéric Gonant et Marie-Luce Plumauzille avec celle écrite et dite par Patricia Bardon (pour MFP), après avoir constaté qu'il manquait des informations dans «La chèvre», et qu'il y avait de grosses erreurs dans «Le bonheur est dans le pré», (je reparlerai de ces deux cas plus loin), j'ai conclu que MFP ne faisait que de la basse qualité. Or, c'est plus compliqué, puisque les personnes écrivant le texte ne sont pas toujours les mêmes. À ce propos, MFP ne signale pas toujours qui sont les auteurs des textes. Parfois, ils donnent les noms des auteurs (souvent les mêmes) sans dire que c'est produit par MFP. D'autres fois, ils disent MFP sans donner le nom des auteurs... Bien sûr, sur certains films, ils donnent toutes les informations, ce qui permet, par la suite, de faire des recoupements.
Une autre de leur particularité est de ne pas donner les noms de tous les acteurs d'un film. Ils donnent les principaux, puis disent «et beaucoup d'autres».

Par ailleurs, on ne peut pas vraiment savoir si le texte est de qualité si on n'a pas un autre texte avec lequel le comparer. Bien sûr, parfois, on peut noter que le vocabulaire est plus riche dans tel cas, mais si on ne regarde pas le film avec une personne qui voit, on ne saura pas forcément si certaines images importantes ont été oubliées.
Par exemple, dans «La chèvre», de Francis Veber, à un moment, le personnage joué par Gérard Depardieu subtilise une photo. L'audiodescription ne le dit pas. C'est pourtant important pour la suite. Je ne l'ai su que parce que mon mari, qui regardait avec moi, me l'a dit. De plus, à la toute fin du film, l'expression qu'arborent les personnages n'est pas décrite.
Il y a aussi le cas où l'audiodescription donne trop d'informations. Par exemple, dans «Le bonheur est dans le pré», d'Étienne Chatiliez, à un moment, on voit une photo. Le personnage de cette photo ressemble énormément au personnage principal. L'audiodescription le signale, alors qu'il faut laisser le spectateur le découvrir au vu des réactions (tout à fait explicites) des autres personnages. Au long du film, on trouve d'autres malfaçons de ce genre.

Vocabulaire précis:
Pour moi, les textes sont plus précis et contiennent moins d'erreurs de syntaxe lorsqu'ils sont écrits par les précurseurs et ceux qu'ils ont formés.
Je parle en général mais je pense également à des cas particuliers où les audiodescripteurs ont montré leur rigueur. Par exemple, dans le film «La leçon de piano», de Jane Campion, l'héroïne est sourde. Au début, les audiodescripteurs expliquent qu'elle parle en langue des signes, puis utilisent le terme «signer» (qui est le terme exact), et de ce fait, ne se perdent pas en lourdes périphrases.

Imprécisions et erreurs:
Concernant ce que j'appelle les «imprécisions», j'entends parfois: «Elle avale sa salive.» À chaque fois, je me demande pourquoi l'audiodescripteur n'utilise pas le terme «déglutir» qui est précis et éviterait une lourdeur. On l'entend d'ailleurs dans certains films.
J'entends aussi des choses comme «Il la serre dans les bras». Pourquoi ne pas dire: «Il la serre dans ses bras»? Et tant qu'on y est, pourquoi ne pas employer le verbe «étreindre»? Verbe qui remplacerait également avantageusement: «ils se prennent dans les bras» que je trouve maladroit. J'entends «étreindre» ainsi que «Ils se prennent dans les bras l'un de l'autre», mais beaucoup moins. Pourtant, à mon sens, ces expressions sont plus justes.

Lorsque je parle d'erreurs de syntaxe, je pense à des tournures comme «il s'approche vers elle». Je ne citerai que celle-là, mais j'en ai rencontré d'autres...
J'ai aussi entendu le nom d'un personnage à la place de celui d'un autre. C'est assez perturbant... surtout que le personnages se fait assassiner au moment où son prénom est «interverti», alors que l'autre se cache. Je me suis donc demandé comment celui qui se cachait pouvait être si vite retrouvé, et surtout, pourquoi il était tué par ceux qui, normalement, souhaitaient le garder en vie... Heureusement, ma confusion n'a pas duré, car le contexte remet les choses en place, et par la suite, les prénoms ne sont plus confondus.

Question de goût:
J'entends également très souvent une tournure qui n'est pas fausse, mais que je n'aime pas du tout, la trouvant laide. Il s'agit de «va pour». Par exemple, un personnage veut ranger quelque chose, mais s'arrête: l'audiodescripteur dit: «Il va pour ranger ceci...» Je me disais qu'on pourrait remplacer «va pour» par «fait mine de», ou «esquisse le geste de», mais ces formules (si elles me semblent plus agréables à l'oreille) sont plus longues, et le temps est limité entre les dialogues d'un film. J'ai aussi pensé à «veut», mais on ne comprend pas forcément que le personnage va suspendre son geste.

Suite de l'article la semaine prochaine.

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mercredi, 7 janvier 2015

*Je suis Charlie.

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